Les Griffes du Cauchemar, ou plutôt Dream Warriors (titre bien plus intéressant), offre une imagerie formidable. Chaque scène contient une idée, que ce soit un jeu de lumière, un environnement spatial travaillé ou un maquillage perturbant. Le film est vraiment d'une esthétique rare pour un simple slasher. La musique de Badalamenti ajoute le sentiment clownesque horrifique de l'univers de Freddy - ce monstre rigolard et ridicule avec son pull troué à rayures.
Au-delà de cette mise en scène très réussie, le thème du cauchemar s'allie avec celui de la folie - on est dans un asile après tout - pour rendre les limites floues. J'aime beaucoup cette représentation d'une frontière fine entre la mort (avec la recherche des ossements de Freddy) et les cauchemars : Freddy voyage de l'un à l'autre de ces mondes inconnus et ses allées-venues perturbent la réalité du vivant. Cette trinité particulière proposée : vie, mort et cauchemar résonne avec la foi : le médecin et sa foi dans la science - promotion de la vie, difficile à dépasser pour rejoindre la foi des adolescents où le gourou Freddy les capture dans leurs rêves ; mais peut-être encore plus difficile pour accepter la foi en Dieu, en l'enfer et en ses démons (les échos des morts) - avec la figure fantomatique de la bonne-soeur.
Dream Warriors donc, et non les Griffes du Cauchemar. Ces jeunes adolescents traînent en eux des boulets de crainte par lesquels ils se font attaquer - le rêve révèle la nature de sa propre peur. Le désir sexuel, la difficulté à s'exprimer, le handicap, la virilité masculine, l'addiction... beau catalogue de problématiques quelque peu stéréotypées me direz-vous. Peu importe, chacune est amenée de manière pertinente et leur résolution également. Le pouvoir de l'imagination (oui j'aime bien ce thème) dosé avec l'apprentissage de la confiance en soi permettent à ces jeunes gens d'affronter avec plus ou moins de succès la figure de leur mal-être : le garçon en fauteuil roulant se transforme en wizard, la jeune toxicomane se déguise en catwoman, le muet trouve sa puissance dans sa voix... Ces adolescents lambda dans la vraie vie, qui n'ont rien demandé à personne, deviennent les héros de leurs cauchemars - et comme la limite est floue dans cette dimension autre, parallèle, ils deviennent les héros de leurs vies également.
Freddy incarne ainsi la peur collective du boogeyman mais une fois vaincu, c'est la quête de l'indépendance adolescente, libérée de ses carcans, qui est à l'oeuvre. Un peu comme Buffy, l'horreur permet une belle métaphore sur l'âge délicat de toutes les crises identitaires.
(Sur le sujet de changer le cours de ses rêves, de ses cauchemars, si vous souhaitez aller plus loin dans la réflexion, je vous recommande chaudement cet article (en anglais) : http://www.theverge.com/2014/1/21/5330636/video-games-effect-on-dreams
Jouons aux jeux-vidéos pour devenir des Dream Warriors. (C'est d'ailleurs celui qui joue à Donjons & Dragons ou un de ses ersatz qui a le pouvoir le plus cool dans le film.))