C'est en 2003 que sort enfin Freddy VS Jason vieux serpent de mer qui traîne depuis près de quinze ans dans les esprits d'un interminable development hell. On parle de quinze à dix huit scénario différents, de multiples réécritures, de plus de trente réalisateurs approchés (Del Toro, James Wan, Rob Bottin , Rob Zombie), de longues palabres, accord et discutions pour qu'enfin un script et un réalisateur soit attachés à un projet qui devienne réalité. Si Wes Craven encaisse son chèque et laisse le projet se faire sans la moindre exigence, Sean S Cunningham supervise le bousin en tant que producteur avec l'appui de Robert Shaye qui garde un œil sur le bébé. Premier gros couac en revanche, Kane Hodder interprète de Jason depuis quatre films est indélicatement mis sur le côté officiellement pour donner un nouvel élan au personnage et le rendre plus massif mais plus vraisemblablement à cause de quelques exécutifs de New Line souhaitant que Robert Englund soit la seule tête d'affiche du film.
L'histoire qui va servir pour réunir les deux tueurs emblématiques n'est finalement pas beaucoup plus conne qu'une autre. Ce bon vieux Freddy se retrouve totalement oublié par les jeunes de Elm Street qui ne rêvent plus de lui depuis longtemps. Il décide donc de faire venir Jason à Elm Street ( à pieds, en taxi ?? ) pour qu'il trucide quelques adolescents afin de faire ressurgir le spectre de son passé et remettre son aura diabolique dans les esprits. Mais comme ce gros bourrin de Jason trucide un peu trop de monde à tour de machette , Freddy craint de n'avoir plus grand monde à lacérer dans de sombres cauchemars et qu'il est temps de mettre ce bon Jason à la retraite.
Je me souviens que j'avais détesté le film au moment de sa sortie et puis j'aurai tendance aujourd'hui à le réévaluer un peu plus à la hausse à chaque nouveau visionnage ne serait ce qu'au registre des plaisirs coupables. Si j'avais eu du mal à digérer que l'affrontement des deux tueurs débouche sur une simple petite comédie horrifique réduisant les deux personnages à des caricatures de ce qu'ils étaient par le passé, je dois reconnaître aujourd'hui que le film dans son registre très bis d'improbable crossover fait plutôt bien le boulot et que peut être même on ne pouvait pas espérer beaucoup plus d'un tel projet. Tout d'abord la présence de Ronny Yu à la réalisation permet de faire de Freddy VS Jason le meilleur Vendredi 13 en matière de pure mise en scène, c'est bien simple le film comporte bien plus de séquences et de plans marquants que la quasi intégralité des dix films précédents. Le constat est un peu plus mitigé si l'on se positionne dans le versant Elm Street vu que la saga Freddy aura toujours su attirer à elle des réalisateurs un poil plus côtés comme Renny Harlin, Stephen Hopkins ou Chuck Russel. En tout cas Ronny Yu qui avait déjà ressusciter la licence Chucky avec l'excellent La Fiancée de Chucky nous propose un film carré, rythmé et efficace avec des scènes qui restent en mémoire comme la lente progression d'un Jason enflammé dans un champ de maïs. Le film a le mérite de respecter les deux univers respectifs et de proposer une confrontation qui globalement remplie son contrat de pur divertissement. Toutefois même si avec le temps je deviens plus indulgent et magnanime, certaines séquences un peu trop crétines à mon goût ne passent toujours pas comme lorsque Jason sert de balle de flipper à un Freddy plus cabot que jamais.
En revanche en revoyant le film je reste étonné que l'aspect prédateur sexuel pédophile de Freddy soit parfois insidieusement mis en avant comme lorsqu'il lèche le dos d'une photo de gamine pour la coller dans son album , qu'on le décrit comme aimant beaucoup les petites filles ou qu'il glisse de façon perverse sa main aux lames acérées sous la robe de Lori (Monica Keena) en lui disant que la première fois ça fait toujours un peu mal. L'aspect brute massive et monolithique type machine de mort de Jason est lui aussi plutôt bien rendu, le film nous gratifiant de quelques mises à mort très graphiques avec corps coupé en deux ou ce type plié en sens inverse de la colonne vertébrale dans un canapé clic clac. L'occasion de préciser que même si par principe on regrette forcément l'absence de Kane Hodder, Ken Kirzinger incarne tout de même un excellent Jason. Assez logiquement le film ne fonctionne jamais aussi bien que lorsque les deux personnages principaux ne sont pas directement réunis à l'écran, l'affrontement direct en lui même bien que parfois jouissif et méchant reste tout de même assez anecdotique et décevant. Peut être qu'une confrontation indirecte comme dans ce script qui traîna un temps et dans lequel le diable en personne renvoyait Jason et Freddy sur terre pour savoir lequel des deux pourrait tuer le plus de monde en un temps imparti et devenir son assassin officiel aurait pu nous offrir un véritable carnage dans une ambiance plus sombre et premier degré, on ne le saura jamais. On échappera quand même au fait que Freddy est abusé du petit Jason lorsqu'il travaillait comme moniteur à Crystal Lake ou pire qu'il ai fait des galipettes avec madame Voorhees pour lui annoncer plus tard dans un rire sardonique "Je Suis ton père ... ".
Avec le temps j'ai donc finit par le trouver plutôt sympathique ce Freddy VS Jason, la mise en scène de Ronny Yu est agréable, les deux personnages ne sont pas montrés sous leurs pires visages mais pas dénaturés non plus, il y-a Katharine Isabelle que j'aime beaucoup depuis Ginger Snaps et puis sur le registre du combats de monstres de foire en place publique on pouvait certes clairement espérer mieux mais on aurait aussi pu tomber sur bien pire.