Cela faisait dix-sept ans, soit depuis Jason le mort-vivant (1986), que l'idée traînait. La promesse officielle remonte à la fin de Jason va en enfer (1992) où Vendredi 13 venait d'être rachetée par la New Line, détentrice des deux sagas. En 2003 le projet abouti enfin : voici la réunion des deux boogeyman les plus célèbres des années 1980, en marge bien sûr du roi Michael Myers (Halloween), trop souverain et trop sombre pour être imaginé mêlé à ses concurrents. À gauche, Freddy de la saga A Nightmare On Elm Street, le pédophile à la peau brûlée pénétrant les rêves des adolescents pour les massacrer avec une ingéniosité toute sadienne au départ, puis plus prosaïque, rigolarde par la suite. À droite, Jason de la saga Vendredi 13, la franchise la plus longue du cinéma d'horreur (occidental et non-underground) à ce jour , devançant de quelques foulées les Freddy et Halloween. Jason le redneck aux budgets minimalistes et l'homme à la machette, dont l'identité s'est façonnée sur le tard (il n'est pas présent dans l'opus originel) avant de servir de prétexte à des délires lorgnant vers la SF.
Les deux tueurs étaient à la retraite depuis 1993-1994 et Freddy avoue en avoir particulièrement souffert, lui qui n'est plus en mesure depuis longtemps d'effrayer les adolescents. Ses auteurs l'ont tué deux fois de façon définitive (opus 6 et 7), alors que Jason a eu le droit à ces morts improbables laissant toujours soit une porte ouverte, soit dans le fond ne valant rien. Jason a même un tour d'avance puisqu'un an plus tôt (2002) il est réapparu via l'abject Jason X pour frapper un grand coup, avec même Cronenberg en cameo – ce qui n'est pas forcément judicieux vu l'écart entre son univers et ceux de l'exécrable Vendredi 13. Freddy appelle donc Jason à la rescousse dans un Elm Street où sa mémoire a été effacée, peuplé de jeunes insouciants et obscènes comme Jason aime les étriper.
Des tas de questions se posent : Jason va-t-il rester mutique, comment vont se rencontrer les deux tueurs, comment vont-ils pouvoir collaborer alors que leurs styles diffèrent tant ? Entre le raffinement et les distorsions de Freddy, l'implacabilité et l'obstination pour Jason le zombie massif et terre-à-terre, il y a deux éthiques du massacre. Ronny Yu, réalisateur chinois ayant effectué son premier pas dans l'horreur US avec La fiancée de Chucky (1998), réussi à justifier cette rencontre en adaptant les deux antihéros au néo-slasher, dans le sillage des bébés de Scream, tout en respectant les particularités de chacun. Les deux tueurs se réveillent mutuellement et se partagent les tâches, avant d'entrer en compétition ; il y a en plus de la vulgarité un certain courage de la part de Ronny Yu, lequel osera même désigner un vainqueur.
Entre le pervers facétieux et le plouc badass, l'attention de Ronny Yu balance plutôt vers le premier, maître des opérations et concepteur dérangé. Jason apparaît comme un performer rebelle et laconique, exécutant les exploits les plus francs, propres et nets. Freddy est plus ambitieux et vicieux, joue avec ses victimes, tout en étant enclin à échouer et se faire humilier à son tour, notions inexistantes pour le monstrueux Jason, dont l'aura n'est pas entamée puisqu'il garde son masque tout le film. Freddy contre Jason relève clairement du 'plaisir coupable' tant il manque d'élégance et se complaît dans le recyclage d'archétypes discount. Il démarre en trombe, maintient un haut niveau un certain temps, mais aurait gagné à être écourté. Lorsque les deux tueurs entrent en conflit, au lieu de s'amuser en remplissant le film, le divertissement devient plus las, comme un Souviens-toi l'été dernier sur le point d'agoniser et s'autorisant la der des der. Pur divertissement, lorgnant vers le carnaval décérébré, déchiré entre farce et happening volcanique.
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