Quelle belle surprise que ce "Free State of Jones" de Gary Ross. Surprise car la plupart des critiques l'ont sévèrement jugé, soulignant son trop grand formalisme, la place excessive laissée à son interprète, Matthew McConaughey, ainsi que son manque de souffle. Je suis donc allé voir le film sans grandes attentes, un état d'esprit idéal pour découvrir un film.
La première partie du film est certes convenue. Elle nous montre la révolte de Newton Knight, soldat sudiste qui décide de déserter et de prendre le parti des laissé-pour-compte, les femmes abandonnées derrière le front, les escales noirs fugitifs, puis les déserteurs sudistes de plus en plus nombreux. Ensembles, ils décident de se révolter contre l'armée des confédérés pour créer un Etat libre où les hommes vivent sur un pied d'égalité quelle que soit leur couleur de peau.
Une utopie dont la consécration semble être la fin de la guerre de sécession et l'abolition de l'esclavage en 1865 puis l'octroi du droit de vote aux Afro-américains en 1869. Une utopie bien éphémère toutefois ... Tout l'intérêt du film est de nous montrer la permanence voire l'accentuation de la ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis malgré ces avancées juridiques. Nous plongeons ainsi dans les racines du mal américain, une société plurielle mais profondément divisée et meurtrie. Le procès dans les années 1940 de l'un des déscendants de Newton Knight, dont le mariage a été annulé en raison de son métissage, est ainsi savamment intégré dans la narration, nous montrant la prévalence de ces maux.
Un récit édifiant sur l'histoire américaine qui est servi par une belle réalisation. L'atmosphère du Mississippi est toujours aussi forte, avec ses bayous, ses saules pleureurs et sa chaleur humide. La photographie du Français Benoit Delhomme nous offre de superbes plans. La musique reste discrète au profit des bruits de la nature. Le rythme lent ne doit pas être confondu avec un manque de souffle. Il s'agit plutôt d'une narration contemplative nous offrant de nombreux moments d'émotion.
Enfin, impossible de ne pas parler de Matthew McConaughey. J'en parle justement à la fin car contrairement à ce que pourrait laisser penser l'affiche du film - très laide au demeurant - l'acteur n'est pas omniprésent. Il ne s'impose pas sur tous les plans à grande dose de discours hystériques. Matthew McConaughey est un acteur qui parvient à créer des émotions à travers la retenue. Avec modestie, il se fond dans l'histoire, cohabite avec les autres personnages (mention spéciale pour Gugu Mbatha-Raw et Mahershala Ali) et porte le récit à travers des dialogues d'une très grande force. Ses discours - ils sont nombreux - ont beau reposer sur une rhétorique souvent religieuse mais n'oublions pas que la religion est ancrée dans la pensée politique américaine (lisez des discours de Barack Obama pour vous en convaincre).
En somme, un beau film, très bien interprété, nous en apprenant plus sur les racines des Etats-Unis. Un film qui s'inscrit dans la lignée de "Pur-sang", autre (seul) grand film de Gary Ross.