Inspiré de faits réels survenus 10 ans avant sa réalisation, French Connection fut le grand polar du Nouvel Hollywood, renouvelant l'image du polar américain déjà façonnée par Bullitt et L'inspecteur Harry. Tourné durant un hiver newyorkais gris et pluvieux qui souligne judicieusement le caractère terne du film, French Connection met en scène des personnages déshumanisés, n'obéissant qu'à de routinières activités, c'est un polar quasi documentaire mais efficace sur l'univers quotidien des trafiquants de drogue et des inspecteurs de police dans lequel William Friedkin a parfaitement réussi à retrouver l'atmosphère authentique du New York de ces milieux, avec ses filatures besogneuses dans des quartiers minables et insalubres, ses arrestations musclées et toute sa population interlope de petits trafiquants et de malfrats.
Le scénario de Ernest Tidyman (auteur des exploits de Shaft) oppose la brutalité et la rudesse de Popeye Doyle au charme distingué d'Alain Charnier, l'homme de la "filière française", qui a pour origine une affaire authentique, celle de Jacques Angelvin, ancien présentateur de télé qui fut compromis dans un trafic de drogue et arrêté à New York par les agents du Narcotic Bureau et le FBI lors de la découverte d'heroïne pure dans les pare-chocs de sa Buick, puis condamné à 6 ans de prison. Dans le film, le personnage de Devereaux incarné par Frédéric de Pasquale est censé le représenter, tandis que Charnier incarné par Fernando Rey est le grand patron de la filière.
Le film fut tourné en décors naturels à New York (ainsi qu'à Marseille, plaque tournante du trafic) avec une bonne équipe technique rompue au style "pris sur le vif", Friedkin a fait appel aux 2 policiers Sonny Grosso et Eddie Egan, héros de la vraie affaire et leur a attribué de petits rôles. Et d'ailleurs, la séquence la plus célèbre fut tournée en 2 semaines sous le métro aérien dans Stilwell Avenue, une poursuite en voiture de folie qui ne dure que 3 minutes mais qui imprime à jamais l'efficacité à l'américaine ; il s'agit de rattraper le tueur incarné par Marcel Bozzuffi réfugié dans le métro. Grâce à 2 caméras, une installée sur le siège arrière du véhicule de Gene Hackman, l'autre fixée sur les pare-chocs avant, Friedkin a rendu incontestablement spectaculaire cette poursuite par l'intensité à la fois du montage et celle de Hackman, fixant ainsi de nouveaux types de standards à la profession pour ce genre de séquence.
Du coup, le spectateur est tenu en haleine par un suspense haletant, Friedkin remodèle le thriller à l'américaine en lui injectant un punch, un ton prenant, un montage rigoureux, un rythme soutenu, sans temps morts ni jacasseries pour meubler l'action. Ce ton très réaliste et trapu s'appuie aussi sur la composition de Gene Hackman dont le personnage de flic fruste, buté et obnubilé par la poursuite de Charnier, tel un Achab moderne en quête de la baleine blanche, lui a permis de se révéler et de rafler l'Oscar du meilleur acteur. Je n'ai pas vu ce film à sa sortie car j'étais trop jeune, mais bien plus tard à la télé, et c'est là que je devins fan de Hackman, ce mec est extraordinaire dans son rôle qu'il prend vraiment à coeur. Le reste de l'interprétation n'est pas en reste, de Roy Scheider à Tony Lo Bianco, de Fernando Rey à Marcel Bozzuffi et Bill Hickman (pour les cascades), tout concourt à faire de ce film âpre et tranchant comme un silex un véritable chef d'oeuvre du polar urbain américain.

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le 6 mai 2018

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