Avec ce film bouleversant et intimiste, Olivier Casas nous livre l'adaptation d'une histoire vraie, vécue par les frères Michel et Patrice de Robert, Mic et Pat, que l'on découvre dans un pensionnat, à l'âge de 5 et 7 ans, peu après la fin de la seconde guerre mondiale.
Ami du réalisateur, et seul frère survivant, Michel lui raconte, à près de 80 ans, son histoire, et ils décident ensemble d'en faire une fiction, mais au tournage duquel Michel ne participera pas.
Abandonnés par leur mère journaliste, les deux jeunes enfants passeront ensemble et seuls, 7 années de leur vie dans une forêt de Charente-Maritime, obligés de fuir, suite à un événement tragique et traumatisant, de peur qu'on ne les retrouve et les punisse !
Après cette si longue période, et une envie de retrouver la "civilisation", Pat et Mic seront séparés de manière déchirante et absurde par une famille qui ne les attendait plus, agacée par la difficulté d'une réinsertion à deux dans le système scolaire.
Pat et Mic vont vivre ainsi pendant des décennies et faire leur vie, réussissant de belles carrières d'architecte et de médecin, mais on les retrouve plus de 30 ans après dans le film alors que Pat, déprimé, s'est enfui, et que Mic court le rejoindre, abandonnant précipitamment travail, femme et enfants, se doutant où Pat a pu se réfugier.
Assurément, si un cinéaste s'était lancé dans l'invention d'un tel scénario, il lui aurait été rétorqué : "trop gros, on ne peut pas y croire" !
Olivier Casas réussit une très belle et émouvante mise en scène, en menant les deux périodes de l'enfance et de la vie d'adultes en parallèle, par des allers et retours judicieusement orchestrés, à nous faire vivre et comprendre les ressorts psychologiques de leur histoire dramatique, davantage que le côté Aventure (certains pourront regretter le peu de réalisme concernant la survie de deux enfants si jeunes pendant si longtemps), que ce soit dans la forêt ou dans la cabane au Canada, où Pat s'est isolé du monde, comme pour retrouver ces 7 ans en forêt.
Fortement aidé par les deux grands acteurs impeccables, Yvan Attal dans le rôle de Mic le cadet et Matthieu Kassowitz dans le rôle de Pat, et par deux couples d'enfants adorables aux âges de 5/7 puis 10/12 ans, dirigés à la perfection, le réalisateur réussit à nous transmettre peu à peu les sentiments et les émotions ressenties, à 30 ans d'intervalle, le pourquoi de leur attachement fusionnel et indéfectible, ainsi que leurs secrets et les tragédies qui s'en suivent.
Il s'appuie pour cela et de manière subtile et dosée, sur la voix off d'Yvan Attal, (bien mieux positionnée que dans son récent film Un coup de dés), qui vient notamment expliquer, à point nommé, ce que vivent les enfants dans la forêt, et le rôle protecteur de Pat vis-à-vis de son cadet Mic, avec les conséquences que cela aura sur sa vie; ambiance que l'on retrouve en effet miroir dans leurs scènes d'adulte, la grande nostalgie dont souffre Pat ainsi que l'aide qu'il s'apprête encore à apporter à son frère cadet !
Michel de Robert au réalisateur :
"On comprend qu'on n'est rien pour personne, mais tout l'un pour l'autre";
"On fait plus que donner la chaleur de son corps à son frère, on le serre contre soi pour qu'il vive encore. Il faut sentir cette différence."
Olivier Casas fait très bien ressentir ces sentiments, et les alternances entre les moments heureux et les nuits glaciales dans la forêt grâce aux deux couples d'enfants saisissants de vérité et de profondeur pour leur âge.
La fin du la projection est d'une émotion rare, sans pathos, expliquant bien des choses avec le recul des années, et qui nous met de manière justifiée au bord des larmes !
Et comme l'explique le générique final, à bien lire, ce film est aussi un hommage vibrant aux milliers d'enfants perdus, non récupérés par leurs parents, après la seconde guerre mondiale !
Je n'hésite pas à dire que j'ai trouvé cette réalisation d'une grande beauté, avec une apparition bienvenue de Michel de Robert à la fin, et dont je recommande vivement le visionnage.