Fresh (Boaz Yakin, U.S.A, 1994, 1h54)

Fresh est un petit bonhomme de 12 ans, qui survit comme il le peut dans son quartier new-yorkais, livré à la misère quotidienne. Il passe ses journées entre l’école, qui l’intéresse peu, des livraisons de drogue pour un dealer local, et des parties d’échecs avec son père. Un alcoolique notoire, qui ne vit que pour sa passion pour ce jeu.


Fresh se retrouve dans un nœud pas possible, mêlant sa sœur, son boss, un baron de la drogue et des gangs rivaux. Pour faire court, tout ce qu’il y a de plus classique pour proposer un petit film, monté comme un thriller, qui se fait le témoin de la condition sociale difficile d’une communauté Afro marginalisée dans les ghettos, ici à New-York même. Mais c’est la même merde qu’à South Central. Avec un décor différent et le soleil en moins.


Ce premier métrage de Boaz Yakin, qui en signe également le scénario, utilise avec finesse, et un sens certain de la cinématographie, les codes et les conventions établies depuis 1991 avec ‘’Boyz n’ the Hood’’, pour proposer une variation très personnelle du genre. Témoignant de l’évolution de ce dernier, qui connaît là ses dernières heures. Les thématiques et problématiques habituelles sont ainsi portées à un autre niveau, afin que le récit se concentre d’avantage sur l’intrigue, et un peu moins sur l’univers qui entoure le jeune protagoniste.


Si cet univers est riche, il est composé des habituels éléments lié au genre, comme les gangs, les fusillades, des personnages azimutés et imprévisible, des voix sages qui s’élèvent, un quotidien à la vacuité pesante, des choix à faire, pour donner un sens à son existence, la séduction de l’argent facile, l’importance de se créer une image, afin de se faire respecter, etc, etc, etc…


Ce que ‘’Fresh’’ apporte de nouveau, c’est qu’il adopte le point de vue d’un enfant. Non pas un ados sur le point de se jeter dans le grand bain de la vie adulte, mais bien un gamin. Avec les sensibilités que cela implique. S’il joue les durs à cuire, dans le fond il demeure un enfant de douze ans. Et ça il l’apprend à ses dépens. Car à trop vouloir jouer avec le feu, le malheureux se retrouve dans une position complexe, que seuls ses capacités aux échecs lui permettent de surmonter.


SI dans ‘’Boyz n’ the Hood’’ ça commençait avec des enfants et que dans ‘’South Central’’ l’intrigue était resserrée sur la relation d’un père avec son fils de 10 ans, membre d’un gang, l’âge des protagonistes était secondaire à l’intrigue. Avec ‘’Fresh’’, c’est l’axe principal qui alimente le récit. Tout ce qui est vu, la guerre des gangs, les fusillades, les trafics de drogues, les interventions policières, l’est par le point de vue d’un enfant. Avec ce que cela implique d’innocence, et une notion du danger qui diffère de celle d’un adulte.


Fresh a à peine fait ses premiers pas dans la vie, qu’elle semble déjà être foutue. L’ultime plan du film est en ce sens absolument terrifiant, bouleversant même, tellement il renvoi avec une authentique virulence tout ce qui s’est passé. Avec la prise de conscience que tout ce qui est arrivés, est arrivé à un enfant de douze ans. Par ce dernier plan, Boaz Yakin vient conclure un film fort, qui ne laisse pas indifférent. Loin s’en faut.
Dans le rôle de Fresh, le jeune Sean Nelson est absolument époustouflant. C’est dingue qu’il n’ait pas fait une carrière par la suite. Cela dit c’est souvent le cas des comédiens précoces. Au casting on retrouve dans le rôle du père un Samuel L. Jackson qui apporte une étonnante humanité a l’ensemble. Le type un peu au bout du rouleau, qui ne semble tenir que par amour du jeu, est à l’origine des scènes les plus touchantes, voir émouvantes. Il est possible de sentir que le comédien allait bientôt se révéler.


Mais la palme, elle revient à l’exceptionnel (on ne le dira sans doute jamais assez) Giancarlo Esposito. Interprète d’Esteban, le grand manitou du quartier, à la fois terrifiant et séduisant. Avec un jeu tout dans la nuance, qui le fait passer d’un extrême à l’autre, des fois dans le même plan. Il est l’antagoniste de Fresh, de vingt-quatre ans son aîné. Lorsque l’on réalise contre quoi se mesure le frêle Fresh, ça donne toute sa dimension au métrage.


Si dans l’ensemble ‘’Fresh’’ est une indéniable réussite, c’est parfois de justesse. Car le film de Boaz Yakin n’évite pas de frôler de temps à autre les limites de la caricature. Pour exemple, le personnage de Jake (Jean-Claude La Marre), un petit caïd complétement taré, fou de la gâchette, à l’origine d’une des scènes des plus choquantes, est parfois trop dans l’exagération. Le jeu assez médiocre du comédien est un peu gênant, par rapport au reste de la distribution. Il fait un peu penser à une version cheap du terrifiant O-Dog de ‘’Menace II Society’’


Il y a dans Jake des limites qu’il est possible d’apercevoir dans une convention qui a été tellement usitée, qu’elle en devient caricaturale. Et à plus d’une reprise, ‘’Fresh’’ flirt avec cette cette limite. Cependant, ça ne l’empêche en rien d’être une œuvre aboutit, et viscérale. Car tout ç’est assez anecdotique, par rapport à la pertinente de l’ensemble. C’est d’ailleurs là l’un des derniers grands drames du ‘’Hood Film’’, le genre entamant déjà un déclin progressif.


-Stork._

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le 4 avr. 2020

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