De la très bonne chair Fresh !

À l'ère des applications virtuelles où l'on fait défiler des photos de profil de prétendant(e)s comme si l'on cherchait à choisir la meilleure chair fraîche disponible, Noa a beau être instantanément attachante et aussi jolie que l'actrice de l'excellente série "Normal People", sa quête d'une relation via cet outil la fait accumuler les déconvenues sentimentales. Après un énième rendez-vous qui vire au fiasco, un miracle se produit cependant: une rencontre forfuite avec un inconnu apparemment parfait sous tous rapports, et dans le monde bien réel qui plus est, au coin d'un banal rayon de supérette ! Outre le fait qu'il ressemble trait pour trait à un super-héros Marvel, Steve est sympathique, drôle et attentionné. Bref, ce qui s'apparente à un vrai coup de foudre mutuel va déboucher sur un début de romance idyllique, amenant les deux tourtereaux à s'offrir une virée à la campagne. Mais quelque chose va évidemment mal tourner car ce que Steve désire réellement chez Noa va sérieusement compliquer leur relation...

Bon sang, dans le genre surprise aussi malsaine que maligne totalement inattendue, on peut dire sans trop s'avancer que "Fresh" arrivera dans les pôles positions de 2022 ! Évidemment, la promotion autour du film nous avait vendu la mèche sur le côté néfaste des intentions de Steve à l'égard de Noa mais ça n'entache en rien le plaisir de découvrir le début du premier film de Mimi Cave qui, sous couvert de romantisme, nous fait d'abord particulièrement bien partager le désarroi de Noa devant le pire -et le parfois très glauque- des interactions virtuelles avant de la faire ensuite tomber facilement dans les bras de celui qui revêt la parfaite tenue de chevalier blanc. Même si l'on sait que la situation va déraper à un moment ou à un autre, le film prend intelligemment le temps de rendre cette relation viable, de nous faire comprendre à quel point elle représente la concrétisation de quelque chose d'inespéré aux yeux de Noa... Et, bien sûr, avec son point de bascule voyant l'arrivée tardive du générique d'ouverture de "Fresh" sur sa vraie teneur, de nous dévoiler l'ampleur de l'emprise toxique de Steve sur les désirs de Noa afin d'arriver à ses faim... fins.

Dès lors, "Fresh" va littéralement incarner à l'écran l'ignominie de la vision déshumanisée que certains hommes entretiennent à l'égard des femmes via les relations virtuelles (et, par prolongement, dans la réalité) par l'intermédiaire du vrai visage de Steve et de son mode de fonctionnement, où l'horreur de ses actes (le plus souvent suggérée avec une maîtrise diabolique rendant le malaise constant) et la rigueur froide que l'on découvre autour de lui tranchent complètement avec la désinvolture primaire, quasi-adolescente, de son tempérament d'homme.
Dans les enjeux de ce qui est devenu désormais un vrai survival au ton radical, la résistance féminine va bien entendu tout faire pour trouver les failles qui lui permettront de contrecarrer les objectifs abjects de cette personnification des pires tares masculines. C'est d'ailleurs peut-être à ce moment que "Fresh" pourrait tendre à devenir un peu plus classique, en utilisant certains rouages scénaristiques plus prévisibles dans les nouveaux rapports de force et faux-semblants qui s'installent pour tromper l'autre, mais, dans la mise en place de la bataille et de son exécution, cela ne l'empêche pourtant en aucun cas de livrer bon nombre de moments tout aussi redoutables que jouissifs et qui, pour certains, deviennent même parfois des contrepieds astucieux vis-à-vis de facilités du genre en vue de servir la primauté de la solidarité féminine ici mise en avant (le serveur, haha !). La bonne chair "Fresh" nous régale sans cesse de fulgurances jusqu'à ses dernières minutes !
Et puis, comment ne pas conclure sur ce fabuleux duel entre Sebastian Stan, qui trouve enfin un rôle en or, et Daisy Edgar-Jones, décidément géniale en toutes circonstances ? Véritable supplément d'âme d'un film déjà très qualitatif, l'intensité qu'ils apportent à la situation improbable de leurs échanges arrive malgré tout à chaque fois à laisser échapper des instants d'une légèreté surprenante, offrant au film un savoureux (bon, ce n'est peut-être pas le meilleur terme) ton décalé ne jurant jamais avec la noirceur du reste, la playlist judicieusement choisie de la bande originale du film est aussi à saluer en ce sens.

Bref, vous l'aurez compris, on vous invite sans attendre à vous rendre à la table de cet audacieux et réussi "Fresh" pour lequel on a un vrai petit coup de coeur bien saignant. On peut vous l'assurer, on ne croise pas des films comme ça toujours les jours, surtout en termes de nouveautés sur Disney + de surcroît !