Intéressant que cet objet tout de même.
Friends en tant que série est un objet à part. Non pas tant par une forme de réussite exceptionnelle, l'un dans l'autre ça n'est pas ça qui démarque Friends, mais plutôt une sorte de croisement de causes qui l'a amenée à être un objet "populaire". Car Friends c'est la série juste un peu avant, juste un peu après. Juste un peu après les séries formatées, stéréotypées, les soaps divers et variés, juste un peu avant la foule, la foule d'internet, la foule de la production de masse, la foule. Au fond Friends et ses 52 millions de "viewers" pour son final, ça n'est jamais que quelque chose qui était rendu possible par l'époque, cette époque d'avant que d'aucuns diront qu'elle était "mieux".
Le cadre est posé, ok. Une série facile, adaptable partout, adaptée partout, un moment doux et sucré qu'on regarde et qu'on reregarde, qui comme toute bonne série qui traine en longueur vire mal, avec ses plots de plus en plus alambiqués, ses personnages tirés à l'extrême.
Que peut-on en dire 17 ans plus tard?
Ce film donne la "bonne réponse" : Rien.
On ne peut rien en dire si on ne va pas extrêmement loin dans son propos, et ce n'est certes pas le but ici. Le but est de continuer le moment sucré et doux, alors c'est ce qu'on en fait, une production à toute vitesse, on enchaine comme on en peut plus, on fait rentrer dix saisons dans une heure trente, à grand coup d'anecdotes qu'on connaissait toutes (ou sans grand intérêt), et de caméo de tous les acteurs qui apparaissent parfois moins d'une minute, qu'en tire-t'on? Rien.
Pourtant voilà, il y en a des choses à dire sur Friends. Encore une fois pas tant la série elle même qui a "peu d'intérêt" (c'est une série que j'ai regardé religieusement une petite dizaine de fois et que j'adore), mais sur tout le reste. Car les voir là ces vieux acteurs, rincés pour la plupart, les effets de la drogue, de la chirurgie, de voir ceux qui s'en sont sortis parce qu'ils sont revenus à une vie plus simple, de ceux qui artistiquement ont réussi, de ceux qui ont voulu crever l'écran et n'ont rien fait, de ceux qui sont devenus vieux avant l'heure. Et voir ce qu'ont voulu dire ces dix-sept ans (ou vingt-sept selon comment on compte), aller décortiquer tous ces articles sur la prétendue homophobie de Chandler, sur le manque cruel d'intégration de la série (mais là encore, qu'en tire t'on comme enseignement?), sur ce que la série a eu comme impact sur la suite (Oui Friends est le papa de HIMYM et cent autres séries du genre), sur ce qu'elle disait de cette époque, sur la simple impossibilité d'avoir cinquante deux millions de spectateurs devant un épisode à présent (et ça je ne sais dire si c'es totalement flippant ou rassurant d'ailleurs).
Voilà, The Reunion ne dit rien de tout ça, The Reunion ne dit en somme, rien. Il évite le piège casse gueule de tenter un comeback foireux (peu y ont réussi malgré quelques bonnes surprises wink wink Cobra Kai), mais en même temps n'évite pas le piège de ne pas apporter grand chose si ce n'est une sorte de mélancolie, à la fois sur le fond que sur la forme, parce que vieillir c'est un peu moche, quoiqu'on en dise, surtout dans un business où vieillir c'est mourir avant l'heure.
Je suis presque étonné que HBO ait propulsé ça, je m'attendais à mieux, mais peut-être que voilà encore une autre mise en abîme, même HBO va devoir rentrer dans le rang, et faire comme les Netflix, Disney et autres. Produire. Produire et produire encore, et ne plus jamais produire une série qui sera autant vue, juste dix séries qui peut-être en cumulé avec un miracle atteindront ce genre d'audience. Voilà le nouveau monde, il faut t'y mettre spectateur, 1994 c'est fini.
Il faudra peut-être un jour que je relance les épisodes, plonger moi aussi vingt ans en arrière, me rappeler comment je ne me posais pas autant de questions à l'époque.