Que deviendrait la société si les hommes donnaient libre cours à leurs instincts, même les plus honteux ? C'est la question que s'est posé un médecin, sorte de savant fou. Il a inocculé à une étudiante un parasite qui libère de toute inhibition, surtout sexuelle. Mais l'expérience lui échappe...
Qui mieux que Cronenberg pouvait filmer cette réflexion dense et passionnante sur le rapport de l'homme à son corps ? C'est le thème de toute son oeuvre. Cronenberg est un cinéaste corporel : d'abord parce qu'il filme des corps, mais aussi parce que les corps sont l'objet principal de son cinéma. Les corps mutilés, décharnés, en transformation, les hommes qui ne reconnaissent plus leur corps, etc.
Faire la critique exhaustive de ce chef d'oeuvre serait très long. L'ouverture du film est déjà significative par ses contradictions : la publicité sur un immeuble idéal, véritable paradis sur Terre, mais avec une musique subtilement angoissante. Puis le discours d'un agent immobilier pendant qu'un homme (notre savant fou) assassine sauvagement son étudiante. Le ton est donné...
Alors, bien entendu, ça a été réalisé avec très peu de moyens (Cronenberg était alors inconnu, c'est son troisième long métrage) et les trucages sont rudimentaires. Mais peu importe, l'essentiel n'est pas là.
Cronenberg sait merveilleusement bien filmer des scènes d'horreur uniques. L'érotisme qui s'installe dans ce film est glauque et crée un malaise qui assaille le spectateur.
Et le cinéaste va très loin dans la symbolique, l'immeuble étant lui-même un corps dans lequel on s'enfonce (le film commence en haut, au 15ème étage, et finit dans les bas-fonds, au parking souterrain), où les contaminés se multiplient comme des bactéries avant, finalement, de sortir infecter d'autres lieux.
Un grand film, intelligent et terrifiant, étrangement produit par quelqu'un qu'on n'attendrait pas dans un tel domaine : Ivan Reitman, futur réalisateur de SOS Fantômes !