Du cinéma du lituanien Sharunas Bartas, on dit volontiers qu'il est exigeant pour ne pas avouer qu'il est le plus souvent ennuyeux à périr (en toute subjectivité, évidemment). De ce point de vue, Frost, malgré les multiples interrogations qui ne trouvent pas de réponse, est plutôt accessible, voire même fascinant par son abstraction, devenant même passionnant dans sa toute dernière partie, tournée au plus près de la zone de guerre du Donbass. L'odyssée d'un jeune lituanien et de sa compagne chargés d'une mission humanitaire a jusqu'alors une réalité assez flottante où le cinéaste alterne plans contemplatifs et longues conversations avec des journalistes dans un hôtel (Vanessa Paradis en guest star !) puis avec des militaires ukrainiens. Mais de la psychologie du personnage principal et de ses motivations à se rapprocher de plus en plus des combats, rien ne filtre, ou presque. Inconscience, curiosité malsaine, désir de participer, tendances suicidaires ? On se perd en conjectures. Malgré le peu de péripéties et l'atonie de l'ensemble (hormis dans son dénouement), on ne trouve pourtant pas autant le temps long que dans certains films de Bartas. Peut-être parce que nous aussi, le conflit en Ukraine, pays tampon entre l'Europe et la Russie, nous captive pour toutes sortes de bonnes et mauvaises raisons.