Il est bien difficile de juger un premier film. Va-t-on s'attarder sur l'audace de la realisation, ou, dans un premier temps, sur la justesse du ton general? Que peut chercher un réalisateur ? En mettre "plein la vue" ou se constituer une base solide en favorisant la direction des acteurs ? Une question qui prend un echo fort dans Fruitvale Station, veritable bombe de fraicheur, découvert durant le festival de Deauville 2013
La fraicheur digne d'un premier film, avec son lot de naïveté et d'authenticité. L'authenticité ne concerne pas uniquement le sujet, mais également le geste artistique : geste d'un cinéaste qui s'investit corps et ames à son projet (le temoignage de Ryan Coogler, sur scène, est particulierement poignant, puisque celui ci a bataillé pour monter son film), et l'interpretation des jeunes acteurs, poignants de justesses. Point d'excès, point de steréotype dans le jeu.
Certains regretteront le cliché des personnages : le jeune black dealer déjà père à 22 ans, et qui cherche à entrer dans le rang.
Mais qu'importe ce lieu commun, puisque l'authenticité du jeu prime, aux travers de scénettes tantot joyeuses, tantot plus graves, mais toujours avec cette volonté de ne pas basculer dans l'excès facile.
Pas d'improbables mouvements de camera ou d'effets de style superficiel. Seulement la recherche du meilleur cadre possible. Pour l'authenticité. Pas une authenticité documentaire - avec mise en scène froide et "réaliste", mais une authenticité du ton.
Le cinéaste n'a d'ailleurs pas peur de la surdramatisation : un très beau plan nous montre Oscar, le personnage principal, courir après sa mère, alors qu'il est en prison, juste pour la prendre dans ses bras. Toute cette authenticité créatrice mène à la scène centrale du film, tirée du fait divers dont s'inspire le scénario.
Dans l'ère du numerique et d'internet, difficile d'evoquer un evenement récent sans que le public n'aille verifier la veracité de l'information sur internet. Le cinéaste a poussé le manièrisme jusqu'à l'utilisation des veritables "raw footages" trouvables sur le net, base créatrice qu'il imitera parfaitement, du physique des acteurs aux decors, en passant par le déroulement exact de la confrontation avec la police.
Mais est ce une simple critique sociale, blacks persecutés par mauvais blancs? Est ce que Ryan Coogler cherche à prendre la releve du talentueux mais ô virulent Spike Lee ? Coogler, au moins, a evité la caricature facile ou l'exageration d'un racisme sous jacent. Quand le brutal policier blanc constate que son jeune collègue a fait une bourde, il attrappe la main d'Oscar pour l'aider à rester éveillé. L'authenticité ne concerne pas une caracterisation sociale et raciale. Mais une authenticité purement humaine.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.