Le chic avec Ringo Lam c'est qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre dans ses films. Seul le ton, pessimiste et sombre au possible, demeure d'un bout à l'autre de la bobine. Mais sinon on passe d'un propos quasi métaphysique (géniale du coup l'idée des choeurs pour le fond sonore, et ce serait aussi intéressant de voir maintenant Victim tant les deux films semblent être connectés) sur la mort liée au milieu, à de la chasse du chat et de la souris bien tendue du slip entre cambrioleurs et flics, où s'affrontent à plus ou moins grande distance un flic déterminé et un psychopathe aux motivations floues, le tout nous faisant demander constamment qui est le plus à cran des deux.
Donc aucune crainte de s'ennuyer dans ce bon polar bien nerveux et rugueux, se dotant également d'un superbe travail sur la photo avec des plans qui mettent très bien en valeur son cadre urbain avec ses ruelles poisseuses et ses recoins exigus. À l'aise dans chacun des registres dans lesquels il s'inscrit, Ringo Lam nous propose aussi des séquences d'action assez hallucinantes en termes de réalisme, surgissant d'un coup pour mieux surprendre (évidemment la course-poursuite en bagnoles à la French Connection, mais surtout les casualties), rares mais cash dans leur exécution, contrastant avec le reste, assez calme sans être pépère pour autant avec une tension de tous les instants.
Une tension rythmée par un compte à rebours implacable autour de l'inéluctable déroulement du plan qui met à l'épreuve la compétence et les nerfs des policiers, mais aussi, par contre-coup, la loyauté qui unit les ingénieux perceurs de coffre-forts. Sans oublier une conclusion sous forme d'épitaphe assez géniale dans le genre en superposant le visage du flic en charge, au bord de la rupture, et le lieu crapsec où il se retrouve, ce qui permet de terminer sur une note bien sombre, en pleine adéquation avec cette période troublée du début de la rétrocession.
Ce film repose aussi sur un casting solide, en tête Lau Ching-wan et Francis Ng, qui nous livrent un duel psychologique de haute tenue. Leurs personnalités sont travaillées au point qu'il est difficile de savoir de quel côté on donne sa préférence, le scénario ayant la bonne idée de les rendre tour à tour attachants et discutables dans leurs agissements (on pense beaucoup à Heat pour ce traitement non manichéen des personnages). À peine regretterions-nous quelques grosses ficelles scénaristiques visant à souligner ce duel en dépit du bon sens, mais lorsqu'on voit le résultat final, noir comme jamais, et la richesse du truc, c'est tout excusé. Bref, Full Alert est un bon gros polar crépusculaire sans concessions qui tourne aussi une page dans l'histoire du genre car plus rien ne sera comme avant à HK.