Purgatory.
Sept ans après avoir terrorisé le monde entier avec son adaptation du best-seller de Stephen King, The Shining, Stanley Kubrick s'attèle à un autre genre, celui du film de guerre, qu'il avait déjà...
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le 5 janv. 2017
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Des répliques cultes, une B.O riche mélangeant plusieurs genres et époques, des genres variant entre le drame, la comédie, ou le pur film de guerre (mais à la Kubrick), une mise en scène harmonieuse, une volonté de faire de l'anti-spectaculaire, le sujet de l'aliénation traité une nouvelle fois brillamment par le cinéaste, c'est ça Full Metal Jacket.
Le film commence directement par traiter de son sujet de fond avec une scène nous montrant l'uniformisation les jeunes hommes, se faisant raser la tête, pour devenir marines ils devront être dénués de toute personnalité, sur fond de Hello Vietnam, musique aux allures cool qui ne transparaît ironiquement pas l'horreur de la Guerre du Vietnam. S'en suit un monologue culte d'un personnage iconique: le Sergent Hartman. Le ton de ce monologue plutôt caricatural en impose parallèlement, le Sergent terrifie les futurs marines pour les préparer au calvaire qu'ils vont vivre, il fait preuve d'une répartie titanesque et d'une diversité lexicale magique pendant ces 6 minutes. On peut notamment retenir: "Si vous survivez à mon instruction vous deviendrez une arme, vous deviendrez un prêtre de la mort implorant la guerre" ou "J’te parie que t’es capable de pomper une balle de golf à travers un tuyau d’arrosage ! Il donne aussi des surnoms à ses recrues, on retiendra Guignol: le narrateur, Blanche-Neige, Cowboy, et Baleine. Ce dernier qui à partir de cette scène se verra persécuté pendant toute la première partie du film.
Cette première partie à Parris Island nous familiarise avec les recrues, elle nous montre aussi leur lavage de cerveau visant à les transformer en de véritables machines à tuer. Pas de temps pour les émotions ou les moments personnels en dehors de l'entrainement, même des fêtes comme Noël sont réduits à un simple chant en chœur "Joyeux anniversaire Jésus". Et il y a un ton un peu décalé qui fait accrocher complètement à cette ambiance, mené par l'ensemble des répliques de Hartman. L'engagé Léonard Lawrence, ou "Baleine" comme l'appelle le Sergent, sera sa victime. Etant naïf, insoucieux, maladroit, et puis caractérisé par son surpoids, il se fera humilier à de nombreuses reprises par le Sergent Instructeur.
Celui-ci ira jusqu'à monter les autres recrues contre Baleine, pour lui faire comprendre. Le dénuant de sa propre âme, il effectuera donc ensuite les ordres, dans l'unique but de se venger. Avec une scène angoissante nous montrant Baleine sombrer dans la folie, et tuer son instructeur, avant se tirer une balle lui-même. Sa mort hantera Guignol. La mise en scène de sa folie est grandiose. Et pour faire une image de ce monde merdique, il se suicide aux toilettes.
La seconde partie nous montre Guignol devenu journaliste militaire, il sera chargé d'aller sur le terrain, retrouver l'unité de sa vieille connaissance, surnommé par Hartman "Cowboy". On y découvrira beaucoup de personnages dans des scènes marquantes. Quand Guignol un autre photographe prennent l'hélicoptère, celui-ci vomit écœuré par le massacre des paysans vietnamiens abattus par un soldat fou. Il y a aussi une scène où l'on découvre la folie, mais surtout la camaraderie de ces soldats, avec Brute épaisse, résumant son caractère à son nom, il provoque Guignol dans un face-à-face verbal enrichissant, et puis le soldat surnommé Crazy Earl qui se moque de manière macabre et ironique d'un vietcong mort, et souhaite qu'on le prenne en photo, tout souriant, à côté du cadavre. Ces personnages aussi intrépides qu'attachant, offriront leur lot de réplique, à l'image de la première partie, le travelling survenant après un combat, nous montrant l'étendue des dégâts et les personnages à couvert qui sortent exprès leurs répliques devant la caméra malgré le massacre apparent aux alentours, Guignol ressortira le fameux "Est-ce que c'est toi John Wayne? Ou est-ce que c'est moi?" qu'il avait dit lors du monologue de Hartman.
Les travellings symétriques d'une partie à une autre sont bien fichus , un qui montre l'entrainement des soldats jusqu'aux recommandations du sergent, les montrant esclaves de leurs fusils. Son parallèle dans la seconde partie nous fait découvrir des vietcongs morts avec Guignol.
Guignol portera son casque avec l'inscription "Born to kill" dessus, ainsi qu'un badge "Peace and love" sur le haut du corps, signifiant "la dualité de l'homme" comme il le dit lui-même, une combine absurdement improbable. Avant d'être forcé de retirer le symbole de paix par un colonel, il gardait encore une once de lucidité, mais étant le plus conscient des folies humaines, et ayant résisté au conditionnement du sergent Hartman, il deviendra quand même un bourreau. Et pour Kubrick la violence est construite à partir de la nature humaine mais doit s’incorporer à l’ordre social, comme dans Orange mécanique où le personnage principal est condamné car ses instincts de violence ne sont pas ceux admis par les autorités sociales. La société cherche à optimiser et encadrer la violence. Dans Full Metal Jacket Guignol est au cœur d'un système d'information qui veut offrir sa vision du conflit. Avant d'être plongés au sein du conflit, nous le sommes au sein du système de propagande américain qui contrôle l’information. Kubrick essaie de nous montrer que finalement les soldats ne savent même pas pourquoi ils se battent, mais ça ne les empêche pas de continuer à tuer des Vietnamiens.
La phrase "Je vivais dans un monde merdique mais, au moins, j’étais en vie" prononcé par Guignol est la conclusion cynique et pessimiste du film sur tout ça, le mélange de bons sentiments humanistes et de bon sens du personnage au centre de l'histoire le poussera quand même à des excès de violence, cette violence permet à l'individu d'avoir sa place au sein du groupe, en gardant ses remords.
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Créée
le 8 juil. 2020
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