Ce film, considéré comme l'un des monuments du 7ème art, est une véritable claque. On y suit le parcours de Joker, un jeune militaire engagé pendant la guerre du Viêt Nam. La première partie se concentre sur énormément de frustrations, d'humiliations, de vices et de déshumanisation, la seconde est plus terre à terre, plus forte, plus intense, c'est un combat physique alors que la précédente était psychologique. C'est la concrétisation de son apprentissage, l'humain nouveau qu'il devient, déchiré entre une identité volée et une identité nouvelle. Full Metal Jacket est l'une des plus grosses claques de tous les temps et sûrement le meilleur film sur la Guerre.


Si le film est tiré d'un roman, il met à contribution toute la technique que le cinéma offre pour percuter le spectateur voyeur des événements tragiques qui marqueront des millions d'américains. Les musiques sont essentiellement à base de rock, et viennent trancher avec la dureté du propos. C'est fort, corrosif, c'est d'un réalisme exacerbé et constant. La mise en scène de Kubrick est irréprochable et s'attarder sur des détails, des paroles, des regards. Certaines scènes sont longues et pourtant, tout semble aller très vite. Le paradoxe se joue dans la tête des soldats, notamment Marines. Il y a une vitesse dans leur flot de pensées qui dénote complètement avec ce qu'il se passe au dehors. Ils sont dans l'attente perpétuelle. Jetés à leur sort, souvent assumé, en attendant de se faire bouffer. Ils essaieront par tous les moyens de devenir des requins, des pantins désarticulés. L'ampleur que prend le film est aussi due à la capacité certaine de Kubrick à ne pas faire pleurer dans les chaumières avec une averse de bons sentiments. La dureté n'est là que pour singer une des réalités des conflits. On ne peut rester de marbre devant une telle débauche d'intensité, bien sûr, mais les scènes brutales auront toujours une raison d'être et un message à faire passer. Ce n'est jamais de la facilité. C'est une remise en question permanente et incisive.


Il y a eu beaucoup de mésaventures durant le tournage. Si le film a connu un succès incroyable dans toute la planète cinéma, il n'en reste pas moins l'anti-blockbuster par excellence. A l'heure des films de guerre bankables au budget faramineux, patriotiques à souhait, celui-ci dépeint une Amérique ostracisée par sa domination impériale et sans limites. On peut le voir à la démesure de ses personnages comme à la bande-son puissante qui rythme certaines scènes du long-métrage. Il y a un supplément d'âme dans ce film. Il y a ces antagonismes entre forts et faibles, entre grands balafrés et miraculés, ces têtes qui tombent comme des petits soldats de plomb. Il y a une avidité dans le pouvoir qui se retranscrit dans la peur des personnages principaux, notamment les deux acolytes. Kubrick propose une allégorie désarticulée de ceque peut être la déchéance humaine à grande échelle. C'est la perte des hommes mais avant tout de soi-même.


Full Metal Jacket traite la Guerre du Viêt Nam sans se voiler la face et sans faire de concession. C'est d'une ineffable force, un soupçon de vie émasculé dans l'asphalte et les balles perdues. Quels sont ces mercenaires qui se battent pour défendre les honneurs d'un pays qui assomme l'humanité à coups de valeurs civiques ? La caméra qui se fige sur les yeux de certains des protagonistes parle d'elle-même : elle est froide, suspicieuse, presque sanguinolente tant elle est évocatrice. Elle nous donne froid dans le dos alors que les soldats n'ont, souvent, peur de rien. En réalité, chers membres, je n'ai pas vu le film. C'est un poisson d'avril qui vise à montrer qu'on peut raconter absolument n'importe quoi et se faire liker, juste avec des pavés digressifs. On peut s'inventer une vie tranquillement. L'acteur principal, qui eut une carrière très intéressante par la suite, ne porte pas tout le film sur ses épaules. Et c'est là la magie d'un grand cinéaste. Réussir à ce que son film transcende tous les aspects de ce dernier pour en faire une oeuvre accomplie, unique en son genre, où chaque choix fait partie d'un mécanisme visant la perfection. Full Metal Jacket tient de la perfection.


Je conseille ce film à tous les amateurs de ce réalisateur mais pas que. Vous vous coucherez avec l'esprit embrumé mais l'esprit ouvert, en éclat, et vous repenserez durant des jours à cet incroyable acte de foi, cet objet cinématographique dantesque de bientôt trente ans maintenant et dont on se souviendra encore dans cent. Parce que cette guerre ne fut pas seulement le théâtre d'horreurs, c'est aussi la représentation parfaite des choix que l'on peut faire dans la vie, du sous-fifre apeuré au plus grand homme d'un pays. C'est l'étalage malheureux du possible.

EvyNadler
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le 1 avr. 2015

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EvyNadler

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