La genèse du projet laisse rêveur : au départ, Sidney Lumet avait signé pour réaliser cette comédie musicale sur la vie romancée de Fanny Brice, adaptée d'une pièce de théâtre, dans laquelle jouait déjà Barbra Streisand. Mais des soucis de production, ajoutés au caractère trempé de la demoiselle sur des exigences, font que le réalisateur quittera le projet peu avant le tournage.
Au final, ce sera William Wyler qui sera recruté à la place, ce qui ironique quand on sait que celui-ci était partiellement sourd, ce qui est un peu gênant pour un film musical ! Au final, il s'occupera des scènes non-chantées, tandis que Herbert Ross (plus connu pour avoir réalisé Flashdance) réalisera les numéros musicaux.
Fanny Brice est une actrice, que je ne connaissais pas, qui tourna essentiellement dans des films musicaux, et de la scène sur Broadway, qui a connu une vie difficile essentiellement à cause de la passion du jeu qui brûlait son premier mari, Nick Arnstein.
Elle était reconnue pour avoir un caractère assez fantasque, grande gueule dirais-je, ce qui dénotait clairement dans la société américaine des années 20-30, où les femmes n'avaient guère le droit de cité.
Pour son premier rôle au cinéma, il faut dire que Barbra Streisand y est formidable ; certes, elle connaissait déjà le rôle pour l'avoir interprété à Broadway quelques années plus tôt, mais elle a là un bagout, une forme de flegme qui sied très bien au personnage. De plus, ses passages chantés, dont People, Funny Girl ou Don't Rain on my Parade sont excellents, et ils sont d'ailleurs inclus dans l'histoire. A ses côtés se trouve celui qui jouera son (premier) mari, le sublime Omar Sharif, d'un charisme à faire tomber, et bien que nous, public, on sait qu'il est égyptien, rien ne le laisse penser à l'écran, ne serait-ce qu'une absence totale d'accent.
Il est celui qui va entrainer l'histoire dans un ton plus dramatique ; il est un bel arriviste qui a fait sa fortune en jouant aux jeux, et vit principalement de ça, ce qui lui permet de parader en société, et de conquérir ainsi Fanny Brice. Cependant, comme dans tout jeu, on ne gagne pas à chaque fois, et c'est là que le démon va arriver, et les dettes également, poussant l'homme dans une situation financière très humiliante pour quelqu'un de son rang.
Ce qui est amusant, c'est de voir que William Wyler film ces scènes comme des confrontations, mettant à même hauteur Streisand et Sharif, comme si on avait deux fauves prêts à s'écharper. Ça rappelle un peu Ben-Hur, et la façon presque biblique de filmer Charlton Heston.
Quant aux scènes musicales, Herbert Ross a su calquer sa mise en scène sur celle de Wyler en proposant des numéros grandioses, qui montrent à force de mouvements de caméras que le budget a du être considérable. Ce qui sera un bon pari puisque Funny girl sera le succès américain de 1968.
D'une certaine façon, le film amène un petit peu la noirceur qu'auront souvent les films dits du Nouvel Hollywood, avec une fin négative, au contraire des comédies musicales des années 40-50 très souvent enjouées.
On voit bien que le tournage a été fait uniquement en studios, mais ça n'empêche que Funny girl est un formidable spectacle, d'une grandeur presque pachydermique (le film fait 2h35, avec prologue et entracte !), avec deux grands acteurs.