Funny People par Mogadishow
Funny People est probablement la comédie la plus ambitieuse de ces dernières années pour ne pas dire la plus essentielle.
Essentielle parce qu'elle marque un tournant dans la carrière de celui qui aura grandement contribué à remettre le rire US sur les rails de l'excellence (je dis ça, mais je ne brûle pas ce que j'adore hein, Ben & Owen, i got your back ;) ). Ambitieuse parce que son amplitude et sa force dramatique impressionnent pour paraphraser la tagline de l'affiche par nos amis des Inrocks, pour une fois bien inspirés donc.
Outre le fait qu'il est fendard à s'en claquer un abdo, incroyablement bien écrit et intelligemment inspiré du passé d'aspirant stand-up comedian de Judd Apatow, Funny People est une réussite parce que porté à bout de bras par un Adam Sandler incroyable lui même soutenu par un casting magistral.
Avant de le découvrir dans la peau antipathique pour ne pas dire infecte de Georges Simmons, j'aurai sans doute offert mon oscar du meilleur acteur à Matt Damon, Brad Pitt ou Christoph Waltz, mais là ça me semble moi évident.
Adam Sandler est remarquable parce qu'il propose une performance d'acteur. sans fioritures Bien qu'abondamment nourrie de sa propre carrière (les vidéos d'archives, les daubes commerciales qui ont fait de lui un homme riche, etc.), Funny People donne l'occasion à Sandler d'offrir une performance d'acteur brut, sans artifices. Il s'agit d'une interprétation, d'un personnage. D'un mec qui se glisse dans la peau d'un autre mec par la seule grâce de dialogues aux petits oignons et d'une histoire. Pas de bourrelets, pas de moustaches, pas d'accents, pas de tics. Rien de tous ces trucs qui vous font bien voir par l'Académie des Oscars au moment de la remise des carnets de note.
Qui aurait pu croire que ce qu'il a cherché en jouant dans un Paul Thomas Anderson ou dans A coeur ouvert, c'est la comédie ultime qui le lui apporterait sur un plateau.
Bien que sacrément rentre-dedans et plus couillu que la plupart de ce qui arrive jusqu'à nous (on y parle beaucoup de bites et de branlettes comme dans toute comédie US qui se respecte, surtout celles d'Apatow d'ailleurs), Funny People est surtout touchant. Touchant parce que sincère et désireux de ne pas séparer mélo et comédie. Ce que nous dit le film, c'est en quelque sorte que l'humour fait parti de la vie. Comme les ruptures, les larmes, la maladie, la mort et tout le Barnum. Il n'y a pas de moments propices à l'humour. C'est pas comme pour aller faire du cerf-volant à Bagatelles.
Grâce au film j'ai compris qui si l'humour était si important pour moi, c'est parce que même s'il n'est pas toujours à propos, il est tout le temps le bienvenu.
A l'inverse des autres films tamponnés Apatow, il n'y a pas dans Funny People de séquence véritablement culte à part peut-être celle ou Seth Rogen fond en larmes au resto (et encore, ça se discute parce que noyée dans un film parfaitement réussi et complètement essentiel de 140 minutes, je ne vois aucune raison que qui que ce soit extirpe cette scène en particulier).
Cela s'explique par le fait que, comme je le pressentais ici (alors ça vous fait quoi de lire un precog'), Funny People est avant tout une bobine à base de vannes et de dialogues. Dans la plupart des films, les séquences « cultes » sont souvent dues à du comique de corps ou de quiproquo. Il n'y a rien de tout ça ici. Des mots. Rien que des mots. Sans travestissement ni décorum.
Ce qui ne manque pas en revanche, ce sont les seconds rôles savoureux.
Eric Bana, qui vient lui aussi du stand-up, est la grande révélation du film avec Jonah Hill, qui avant Funny People ne m'avait jamais vraiment convaincu (j'aime pas trop son côté obsédé geignard pas très sympa).
Au delà d'être un film sur les people funny et le milieu du stand-up, Funny People est avant tout un film sur la vie. C'est d'ailleurs peut-être pour ça qu'il n'y a pas de happy end. Qu'il n'y a pas de end tout court d'ailleurs. Les personnages poursuivent leur vie et voilà. On ne les laisse pas sur un accomplissement du genre machin est devenu une star ou truc a épousé bidule. Que dalle. Ils continuent.
Avec ce film somme autobiographique dans lequel on le retrouve tout entier (les bites, sa femme, ses acteurs fétiches, ses névroses conservatrices, sa morale parfois un peu con), Apatow a voulu montrer l'autre côté du miroir comique. Les coups de putes, les galères, les bides, les déceptions, les rencontres, le boulot derrière chaque vanne, le processus de création, la scène, l'après. C'est une réussite.
Cependant des voix se sont élevées pour reprocher à Funny People sa longueur excessive en ciblant tout particulièrement la romance de 45 minutes qui donne parfois l'impression que le film embraye directement sur une suite. Perso ça ne me dérange pas parce que ça éclaire d'une nouvelle lumière le personnage de George pour le rendre un peu plus complexe. Et puis comme je le disais plus haut, ça permet de voir Eric Bana dans l'une des meilleurs performances de sa carrière.
Très affecté par l'échec de son film le plus personnel outre-Atlantique, Judd Apatow a choisi de souffler un peu en s'accordant une année sabbatique de huit mois. Du moment qu'il revient après, il peut faire ce qu'il veut... (oui, oui je suis en galère de conclusion...).