2015 signait le retour d’un des personnages les plus mythiques du cinéma des années 80, le justicier Mad Max au volant de sa machine à 600 chevaux. Interprété par Mel Gibson, Max sillonnait le désert australien après l’effondrement du monde, en quête de justice, de vengeance et de rédemption. Sacré programme.


Au fur et à mesure des films, l’univers post-apocalyptique se précisait, les humains se regroupant sous différentes bannières, différents gourous et illuminés, avec une appétence pour la violence, le cannibalisme et autres rites inspirés des anciens temps. Mad Max : Fury Road poussa encore plus loin la description d’un monde malade, gangréné par la misère et l’injustice, baigné dans des effluves de pétrole et le scintillement des carlingues rouillées. Et tout en renouvelant sa saga, George Miller sut garder l’âme de ce qu’était Mad Max : une course poursuite infernale aux confins du désert. Fury Road était mené tambour battant, ne nous laissant aucun répit, nous essorant sous les vrombissements des moteurs et le fracas du métal, bref Fury Road était un shoot d’adrénaline ininterrompu pendant deux heures, d’une générosité cinématographique totale.

Les attentes sur ce nouveau film, cette fois-ci centré non pas sur Mad Max mais sur l’imperator Furiosa, étaient donc particulièrement élevées, peut-être même trop. Ne tournons pas plus autour du pot, oui Furiosa : une saga Mad Max est réussi, bien qu’il n’atteigne pas les hauteurs de son illustre prédécesseur.


Il faut d’abord reconnaître à George Miller un vrai génie créatif dans la mise en place de son monde post-apocalyptique. Chaque plan regorge de trouvailles et d’idées, souvent glauques et d’autant plus jouissives, entre les méthodes de tortures, les éléments de décoration des véhicules de guerre, les gueules abîmées, creusées, défigurées… On pourrait passer des heures à regarder les arrières-plans tant il y a d’idées. C’est cette ébullition visuelle qui faisait aussi le génie de Fury Road. Dans ce nouveau film il y a peut-être un “trop-plein”, George Miller semble dépassé par sa propre inventivité et le film ressemble parfois à un gigantesque catalogue de curiosités mises bout à bout. Il y a trop d’éléments qui mériteraient que l’on s’y attarde plus mais à peine commençons-nous à les digérer que la séquence suivante a déjà commencé. Point faible du réalisateur : trop fort, trop gourmand… Peut-être trop libre ?


Ne boudons tout de même pas notre plaisir, tant certaines images restent gravées sur la rétine, accentuées par la musique de Junkie XL, déjà aux commandes sur Fury Road, et un mixage sonore furieusement puissant. Pas de doute, Miller sait fabriquer un film, il sait filmer l’action et la rendre intense. Car contrairement à de nombreuses grosses productions américaines, il ne suffit pas de tout faire exploser avec un montage sous cocaïne, 65 plans à la minute, pour donner du dynamisme voire un souffle épique. Le rythme ne dépend pas du nombre de cut, il dépend de l’action et du mouvement au sein-même du plan. Miller privilégie des plans larges, parfaitement construits, offrant au spectateur toute l’ampleur du désert. Il nous laisse le temps de prendre la mesure du danger à venir puis se resserre au cœur de la poursuite. Avant de tout faire péter. Faut pas déconner quand même.


Comparer les deux films n’a pas forcément d’intérêt puisque Furiosa est à part et invente sa propre mythologie. Cependant, il est intéressant de remarquer que ce qui faisait la grande réussite de Fury Road était d’avoir réduit le fil narratif au strict minimum. Furiosa pêche par une construction plus classique, assez proche des standards de blockbusters ce qui, loin d’être un véritable défaut, alourdit un film déjà bien imposant. Il y a trop “d’histoire” dans Furiosa, trop de longues diatribes qui finalement ne nous intéressent pas plus que ça. Heureusement, le personnage titre se veut presque mutique, taiseux derrière son regard dense maquillé de noir. Anya Taylor-Joy est un choix parfait pour ce rôle ! Avec son physique maigrichon, loin de la musculature d’une Sarah Connor par exemple, elle réussit à imposer une présence forte à l’écran. C’est simple, malgré ses quarante kilos tout mouillé, on n’a pas de doute sur le fait qu’elle puisse péter la gueule au premier fanatique venu. Ce qui nous amène à la performance de Chris Hemsworth dans son rôle de chef de guerre sadique et excentrique. Loin d’être mauvais, il lui manque pourtant cette folie, ce je-ne-sais-quoi qui propulse le personnage dans une autre dimension à l’instar d’acteurs comme Jack Nicholson, Robert de Niro ou Heath Ledger qui réussirent à jouer la folie sans avoir besoin de l’expliquer. Disons simplement que Chris Hemsworth joue exactement ce que l’on attendait pour un personnage de ce genre.


Furiosa : une saga Mad Max est un pur film de cinéma, destiné au grand écran, réalisé par un vrai artiste et non pas un simple exécutant. C’est ce genre de blockbuster qui fait vibrer une salle, pas comme cette énième merde sorti quelques semaines plus tôt, Godzilla x Kong, qui fonctionne sur le même principe qu’un jeu vidéo : un méchant toujours plus gros, toujours plus fort. Alors c’est génial en jeu vidéo, mais le cinéma ce n’est pas la même chose.


Je tiens à m’excuser auprès de Godzilla pour cette balle perdue, c’était un peu gratuit et facile… Toujours est-il que le cinéma de grand spectacle n’est pas mort tant qu’il y aura des George Miller, des Denis Villeneuve ou des Christopher Nolan.


Critique écrite pour le webzine Beware : https://www.bewaremag.com/furiosa-george-miller/

GabinVissouze
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le 7 juin 2024

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Gabin Vissouze

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