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D’abord objet de désir destiné au harem du grand chef, à l’instar des reproductrices qu’elle tentera de libérer au cours de Fury Road, Furiosa réussit à s’extraire de sa condition en se cachant parmi les hommes de la citadelle d’Immortan Joe. Durant près de 10 ans, la jeune fille émotive laisse place à un bloc de virilité mutique et belliqueux, dont la soif insatiable de vengeance deviendra le nouveau carburant. Du moins, jusqu’à la confrontation avec son ancien bourreau Dementus, avec qui elle se découvrira plus de points communs qu’elle ne le pensait. Désormais consciente du cercle vicieux dans lequel elle est en train de s’enfermer, notre héroïne choisira finalement d’utiliser sa colère pour rebâtir un nouveau monde sur les cendres de l’ancien, ce qui est suggéré par un final étonnamment poétique, faisant le lien avec les évènements de sa prochaine aventure.


L’histoire de Furiosa apparaît ainsi comme une alternative féministe aux récits empreints de masculinité toxique sur lesquels les antagonistes ont bâti leur légende. Une remise en cause de l’univers « mad maxien » déjà esquissée dans le précédent opus et prenant encore plus de sens à l’aune de ce prequel. Malheureusement, le film supporte mal la comparaison avec son aîné, surtout lorsque le générique de film vient nous rappeler son existence.


Si la baisse de rythme peut s’expliquer par le fait que l’on ne raconte plus une course-poursuite sur 3 jours, mais une épopée mythologique s’étalant sur des années entières, cela nuit malgré tout aux scènes d’action, qui donnent toutes la sensation de défiler au ralenti. Ces dernières ne sont pas non plus aidées par le recours à des effets numériques bien visibles, rendant les actions beaucoup moins tangibles que dans le film précédent. Furiosa a indéniablement un aspect plus irréel, ce que compense néanmoins la mise en scène encore très inventive de Gorge Miller, regorgeant de plans iconiques et de mouvements de caméra improbables. A 79 ans, le bonhomme n’a plus rien à prouver et sa prodigieuse réalisation justifie à elle seule le déplacement en salle. Mais je pense que le film aurait largement gagné en efficacité si il avait davantage assumé son virage vers une forme cartoonesque plus délurée. Or, en restant ostensiblement dans le sillage du premier volet, sans pour autant reproduire complètement ce qui en faisait la force, on abouti fatalement à un entre-deux qui ne contentera personne, même si certains se persuadent du contraire.


J’en ai vu par exemple vanter l’absence de musique dans plusieurs scènes clé du métrage, et notamment lors de la première attaque d’un fourgon dans le désert. Certains se plaisent même à faire le parallèle avec la scène du T-Rex dans Jurassic Park. Mais ce serait oublier que dans cette séquence, le sound-design uniquement composé de sons intra-diégétiques accentue le réalisme de la situation, renforçant par la même le danger représenté par le dinosaure et la tension qu’il instaure chez les personnages à cet instant précis. L’absence de musique est cohérente avec les intentions du réalisateur, comme avec les autres choix de mise en scène (rythme, photographie, mouvements de caméra, ect…) Or, l’attaque du fourgon dans Fury Road est tout sauf réaliste. A aucun moment on ne peut croire à la matérialité de ce qu’il se passe sous nos yeux, tant la réalisation y est exubérante. Ici, le sound-design minimaliste ne génère aucune tension, il fait tache et appauvrit même considérablement sa dimension spectaculaire. A tel point que, lors du visionnage, au lieu d’être pris aux tripes, je n’ai pas arrêté de me demander ce que ça aurait donné avec un montage plus dynamique et une vraie musique épique pour accompagner cette folie visuelle qui se déroulait sous mes yeux.


Mais mise à part ces quelques points de déception, Furiosa reste un blockbuster solide, avec peu ou prou les mêmes défauts et qualités que son prédécesseur. A savoir une histoire simpliste, des personnages archétypaux peu développés mais parfaitement caractérisés, avec des interprètes de talent (mention spéciale à l’excellent Chris Hemsworth dans un savoureux contre-emploi), le tout soutenu par une réalisation de qualité, ainsi qu’une riche direction artistique conférant à cet univers toute sa vitalité.


Tout comme pour Fury Road, beaucoup d’éléments en lien avec les protagonistes ou le monde qui les entoure, passent par l’image, et non par une logorrhée de dialogues explicatifs. Miller évite ainsi une nouvelle fois les écueils habituels des blockbusters hollywoodiens. La simplicité de son récit lui permet d’aller à l’essentiel, faisant de Furiosa un film d’action efficace et sans temps mort, même si comme avec son aîné, cela nuit immanquablement à notre attachement pour les personnages ou à notre implication dans leurs aventures.


Reconnaissons toutefois à Furiosa d’arborer un scénario plus étoffé, avec une héroïne évoluant sur le temps long, plus de péripéties de natures différentes, ainsi que des changements d’ambiance ou de registres. Ce qui, sur 2h20 de métrage, est tout de même plus appréciable que la course effrénée de Fury Road, qui finissait toujours par me laisser sur les rotules à un moment ou un autre. Mais l’épopée de Furiosa aurait sans doute été plus émouvante si l’on avait prit le temps de s’attarder davantage sur ses relations avec autrui. Avec sa mère par exemple, qu’elle perd rapidement en début de film, avec ses collègues mécanos qui vont passer un paquet d’années en sa compagnie, avec les reproductrices dont elle se prendra suffisamment d’affection pour les amener loin de la citadelle ; mais surtout, SUROUT avec son mentor (et ami ?) Pétrorien Jack. Mise à part lors de leur dernière scène commune, ces deux-là ne manifeste aucune complicité, ni aucune affinité particulière. Comme si les deux ne faisaient que s’utiliser l’un l’autre, alors que ce bel étalon crasseux aurait pu symboliser un échappatoire pour la jeune femme en quête perpétuelle de vengeance, une véritable histoire d’amour désintéressé dans ce désert de sentiments humains, ce qui aurait sans doute rendu la disparition de Jack encore plus tragique.


Mais non, encore une fois, Miller s’en tient au strict minimum, privilégiant l’action en toute chose, ce qui fait la force et malheureusement la faiblesse du long-métrage.

Alfred Tordu

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