Aussi discret qu'un croiseur impérial...
On commence en nous annonçant que la menace terroriste s’est amplifiée (encore ?), et que du coup les américains ont lancé un programme d’intervention directe à l’échelle mondiale géré uniquement par eux, les gouvernements des autres puissances faisant au mieux partie des abonnés absents, ou alors carrément des ennemis de l’Amérique. On découvre alors les trois pilotes qui ont été sélectionnés. Et on constate dès leur présentation qu’ils n’ont pas été sélectionnés pour leur intelligence ou leur capacité à piloter, mais pour leurs critères physiques. En effet, c’est le casting hollywoodien le plus cliché que j’ai vu depuis belle lurette, avec le blanc wasp qui aime le rock, la fille blonde à généreuse poitrine et le black qui se la pète et dont l’attitude coolisante énerverait rapidement n’importe qui (le cliché le plus insupportable, c’est lui). Il faut voir les conneries qu’il commence à sortir quand leur chef leur annonce l’arrivée d’un nouveau pilote dans leur équipe (« Ouais, vous voyez, nous à trois, ça le fait, c’est cool. Trois, c’est un nombre premier, c’est comme la sainte Trinité ! Quatre, ça porte malheur !... »). Rien que de les voir étudier les dossiers qu’on leur donne en dit long sur la connerie du script, qui fait passer les pilotes de la navy pour des branleurs qui se la pètent et qui vivent selon des rites consuméristes clichés (leurs permissions, c’est au bar, ambiance disco, cocktail en main, mannequin au bras avec des dialogues évolués (le black qui aboit quand une fille vient lui murmurer dans l’oreille)). Mais très vite, l’enjeu du film arrive : EDI, un robot tout rond au design identique à une boule de noël clignotante qui parle et qui télécharge de la musique illégalement (ça va faire cool, ont du penser les scénaristes). A partir de là, on nage en plein dans du Team America, sauf que c’est ici complètement sérieux et assumé. Le héros fait part à son chef de ses craintes de voir la guerre devenir une sorte de jeu vidéo avec l’intervention de drône, alors qu’il s’éclate pendant les missions à exploser des centaines de positions militaires ennemis alors que la caméra cherche des angles de vue toujours plus impressionnant (une belle contradiction, le design des scènes d’action faisant vraiment très jeu vidéo). En témoigne cette attaque en plein centre de la ville de Rangoon où nos américains, pour impressionner l’ordinateur ( ??) démolissent un immeuble terroriste parce que les supérieurs ont reçu des « informations » et que l’ordinateur confirme les dires avec des systèmes de détections si tape à l’œil (scannage de l’empreinte digitale à 8 kms, on y croit tous) qu’elles déclenchent un fou-rire à chaque nouvelle tentative. Les américains t’explosent tout ça, puis ils partent en perm en Thaïlande. Et là, c’est merveilleux. La thaïlande, ce sont des cartes postales, rien de plus. En témoigne le black Henri, au milieu des ruines d’un temple, qui respire un coup en ayant l’air inspiré avant d’aller draguer une thaïlandaise à poitrine. Plus tard, il marchera dans un champ avec elle (elle ne comprend pas l’anglais, mais elle baise assez bien), et lui parlera de choses profondes. Comme par exemple, qu’il aime voir un peu le pays d’en bas, que ça l’impressionne. Parce que quand il vole, c’est tout petit, ça va vite, il obéit aux ordres en lâchant une bombe, c’était là et ça disparaît… Mais c’est cool, c’est le plus beau métier du monde, mais quand il voit ça d’en bas… « Waow !... Tu sais faire la cuisine au fait ? ». Pathétique de long en large, le film reprend avec des ogives nucléaires à détruire et une base ennemie du Tadjikistan à neutraliser. Là l’ordinateur indique qu’il y a des populations aux alentours. Les américains rechignent alors à attaquer, parce qu’il y aurait des collatéraux. Mais EDI, l’homme de fer (l’ordi), fonce et t’explose tout ça. Les amerlocs, plutôt que de détruire le drône fou, se lancent dans la bagarre, niquant la gueule des tadjikistanais avec des missiles en mode jeu vidéo, avant de voir le nuage radioactif partir sur le village voisin. Ils commandent alors l’envoi d’une équipe médicale (probablement pour leur faire une piqure de prévention). Là, faut revenir à la base, et tenter de raisonner le drône qui n’obéit plus. Le black tente alors de tchatcher avec lui, mais sa tchatche ne fonctionne pas, l’ordinateur est trop intelligent pour se laisser berner par un « c’est pas cool, ce que tu viens de faire… ». Résultat, Henry le black s’écrase sur un rocher, et sa mort est bien plus dramatisée que celle du village contaminé 5 minutes plus tôt. Là, c’est la pagaille. Le héros wasp se lance à la poursuite de l’avion fou alors que la fille part se crasher en pleine Corée du nord, histoire de pomper un peu plus le script de Team America. Le commandement militaire pète un câble, tentant de communiquer aux russes la position du drône pour l’abattre et commandant l’exécution du héros pour ne pas laisser de témoins. Heureusement, il n’y a qu’un seul méchant : le général responsable de la mission EDI, qui crèvera par la suite d’une façon si mesquine qu’on en reste sans voix (il se suicide dans ses toilettes en téléphonant à un sénateur qui sort pour ne pas l’écouter dans ses derniers instants). Entre temps, le scientifique qui a conçu Eddy est mis sur le coup, devant réparer l’ordi mutin. On découvre avec stupeur une sorte de Jamie Gourmaud (présentateur de l’émission française culte C’est pas sorcier) qui parce qu’il écrit une équation sur une feuille et qu’il organise une réunion de geeks chez lui devient un crack en informatique. Le mec dialogue avec sa création comme de père à fils sans qu’on arrive à entrer dans le jeu de leurs sentiments tant EDI ressemble juste à une boule de noël clignotante purement décorative. Entre temps, le héros bute le docteur qui voulait le tuer et repart en Corée du nord pour sauver sa copine (cliché jusqu’au bout) au joystick de l’avion avec EDI qui est redevenu gentil parce qu’il veut aller sauver une américaine. Cette dernière parvient à rejoindre la frontière mais reste bloquée à ce niveau là. Et là, l’américain arrive en faisant tout péter, transformant la frontière nord-coréenne en un geyser de flamme filmé comme si c’était beau. Décidément, Cohen cherche la beauté partout, comme quand l’avion commandé par EDI vient se crasher sur l’appareil des forces coréennes, permettant aux américains de passer la frontière. Là, on a droit à un ralenti avec une musique dramatique, probablement pour humaniser une dernière fois l’ordinateur responsable de la mort d’un bon millier de personne sans le moindre état d’âme. D’ailleurs, le drame des retombées radio actives n’est toujours vu que sous l’angle du scandale qu’il va provoquer (il n’est jamais fait mention de l’envoi d’une aide quelconque) et l’incident passe carrément sous silence lors du dénouement où on pleure le black qui tchatchait et où on glousse accoudé au bastingage sans oser se dire qu’on s’aime même si les lois de la navy sont contre. Générique. C‘était du bon gros boulot, assurément. Non, franchement, on se fout souvent de la gueule de Rolland Emmerich, mais ses films restent quand même un minimum sobres au visu des étrons galactiques que constituent les projets de Rob Cohen. Juste parfait.