Peu de films m'ont autant marqué que Gallipoli, avec Mark Lee et Mel Gibson dans les rôles de jeunes athlètes envoyés à la guerre. Gallipoli est l’un des films les plus typiquement « australiens ». Il aborde des thèmes très ancrés dans l’identité nationale australienne tels que la camaraderie, la perception de la justice (l’éternel « fair-play »), l’obsession du sport et la performance physique.
Cette histoire, d’abord réconfortante mais finalement dévastatrice, commence en Australie occidentale en 1915 avec une séquence d’entraînement entre un entraîneur ressemblant à un sergent instructeur et un coureur, Archy. Avant de franchir une ligne d’arrivée improvisée (une corde attachée à deux bâtons plantés dans le sol), Archy court sur place et participe à l’un des échanges les plus célèbres du cinéma.
« Quelles sont tes jambes ? »
« Des ressorts. Des ressorts en acier. »
« Que vont-ils faire ? »
« Me lancer sur la piste. »
« À quelle vitesse peux-tu courir ? »
« Aussi vite qu’un léopard. »
« À quelle vitesse vas-tu courir ? »
« Aussi vite qu’un léopard. »
Archy s’accroupit et met ses mains dans la terre ; plus tard, ses mains seront couvertes d’un autre type de crasse, loin de l’outback australien. Pendant les 25 premières minutes, Gallipoli est un archétype du film de sport.
Le film commence et se termine avec Archy en train de courir. On pourrait l’interpréter comme une métaphore de la tâche cruelle entreprise par les athlètes professionnels : la guerre contre eux-mêmes et contre les autres, la sueur et les larmes dépensées . Je l'interprète également, comme la façon dont le génie émergeant d'une personne, peut à ce point être entravé dans un monde obsédé par d’autres choses plus cruelles, comme se battre et mourir pour des lopins de terre.
Mais l'interprétation la plus puissante de Gallipoli, concerne la déconstruction cinglante par Weir et le scénariste David Williamson de la perception atavique de la guerre comme une grande aventure.
« Venez découvrir comment participer au plus grand sport de tous », lance un recruteur de l’armée après une course locale. Archy relève le défi, considérant le combat pour son pays comme une obligation et une autre façon de se dépasser mentalement et physiquement.
L'énergie du film monte jusqu'à une conclusion haletante dans laquelle le corps du protagoniste entre en contact avec un torrent de balles, un final poignant qui reste, à ce jour, l'une des meilleurs fins que j'ai pu visionné.
Soudain, ce film de guerre devient un véritable film de guerre. Les caméras de Weir hésitent à entrer dans la bataille, considérant les combats comme une activité largement hors cadre. Il y a un tel sentiment d'optimisme durant les 3/4 du film, un sentiment que les personnages ne sont pas en danger imminent, entretenu avec intelligence et prudence, que lorsque le danger frappe enfin dans les 20 dernières minutes, il frappe fort.
Cette séquence finale est un spectacle horrifiant dans lequel les troupes alliées, suivant les ordres de prendre d'assaut l'ennemi, parviennent à peine à franchir les tranchées. Les hommes sont fauchés de loin et massacrés comme du bétail. « Ils sont abattus avant même d'avoir pu faire cinq mètres », hurle Frank à un supérieur, avant d'être informé que l'attaque doit avoir lieu.
C'est un film un poil sous-estimé qui occupe pourtant une place prépondérante dans la filmographie de Mel Gibson. Mon premier visionnage m'a littéralement scotché sur place (notamment la fin). Il est d'ailleurs 5ème dans mon top 10 des films de Mel Gibson.
Ma note: 8/10