Météo, goulot, bobos.
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Il y a une pensée, une évidence, qui nous traverse, lorsque l'on s'approche de Galveston. Une comparaison plus précisément. Celle, presque inévitable, avec La balade sauvage de Malick, ses routes bitumées, sa fuite vers l'avant, son monde cruel et ses instants d'humanité. Une première impression que confirme son affiche, d’un Ben Foster adossé à un capot, balayant du regard l’horizon, à la recherche d’une échappée. Une route (du tonnerre ?) codifiée, empruntée maintes et maintes fois, là où cavalent les fantômes de l’Amérique perforée. Autopsie ténébreuse, née de la plume du créateur de True Detective, Galveston sonde ainsi la face sombre du Road Movie, à base d’esseulés, de douceur instable et de fatalité.
Mélanie Laurent ne s’écarte pourtant jamais de la route toute tracée par le genre. Elle en suit proprement ses sentiers cahoteux, terreux et sauvages, et joue sur l’atmosphère suintante et moite du Texas, en champs de chasse. Délivrance impossible, déchéance humaine, tentative de bonheur en cavale, telle est la souche de Galveston. L’ouverture fait l’effet d’un ouragan : fragilité d’une baraque, couloir vide, froideur atmosphérique, et porte claquante. Toute l’évolution psychologique des personnages y est ainsi retranscrite : ce désir/ besoin de construire un foyer, dans un monde de solitudes, et de vies brisées.
S’installe alors cette réunion des destinées défectueuses, où Mélanie Laurent s’attache à cadrer le cœur et l’émoi enseveli. Elle se rapproche des visages, des émotions, et d'une intimité à construire dans les solitudes communes, saisissant au détour d’un regard, la beauté dans l’abîme. L’invisible, l’insaisissable, cette serrure des êtres qui n’a besoin que du Cinéma comme clé d’intelligibilité. De la lumière au désordre, de l’union à la fureur, Galveston repose sur la confrontation entre idéaux et réalité. Comme si chaque démarche de renouveau se soldait inlassablement par une chute, de plus en plus vive, de plus en plus fataliste, dans l’Enfer de la marginalisation et de la mise à l’écart. Violence des actes, de la survie, et tendresse des blessures. Roy et Rocky, une histoire qui n’a rien d’un Disney, si ce n’est cette Nature qui reprend ses droits.
De sa réalisation classique, mais fluide et efficace, Mélanie Laurent en extrait la force de la relation, et la noirceur à gommer des regards. Ben Foster, ayant l’habitude de la marginalité au fil de ses rôles, compose à merveille un personnage à l’âme torturée, à la gueule cassée, destructeur et affectueux. Elle Fanning détourne quant à elle sa figure innocente et angélique pour la pervertir, la déstructurer et en dévoiler toute la tristesse dans son regard abîmé.
Galveston souffre néanmoins de failles dans sa dramaturgie, d’explications confuses ou de manques scénaristiques. Qu’importe les origines ou les causes, car seule la substance et l’intime comptent. Une rencontre, des regards qui se croisent, la captation de la vie dans un monde qui se meurt, seule l’affection résiste pour s’en sortir quand tout invite au Chaos : chercher l’amour dans son manque, et apprendre à aimer dans la déchirure de l’autre, en quelque sorte.
Peut-être garderons-nous la vaine puissance d'un plan séquence fugitif, et d'un dernier acte, d'aveux, de souvenirs, et de libération. Un épilogue où la vérité tempête, dans des retrouvailles réelles ou rêvées. Tout en alternance, passé et présent se heurtent : calme et plénitude du souvenir, d'une Image, face au bruit assourdissant de la tempête, de la fin, salvatrice. Car dans ce monde pourri, quelques rayons de lumière persistent. Mélancolique à l’image de cette séquence contemplative, sur une plage où les sourires s'évadent. Une innocence sauvée, ou seulement Elle, magnétique et bouleversante. Et puis, souvenons-nous qu’en 1988, le monde était au « Don’t Worry Be Happy », alors laissons à la tempête tous les problèmes du monde.
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Créée
le 10 oct. 2018
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