Un homme qui sort la tête de l'eau
Nicolas Winding Refn est un homme ruiné. Inside Job, son dernier film, est un véritable fiasco commercial en dépit d'un bon accueil critique. La société qu'il a créée avec un ami producteur coule. Les deux hommes doivent désormais des millions de couronnes aux banques danoises. Une seule solution pour sortir de l'impasse: réaliser des suites à l'oeuvre Pusher.
Ce documentaire est donc réalisé au moment où le cinéaste tourne Pusher 2, gratuitement pour rembourser une partie de ses dettes, et suit surtout les péripéties de Refn à trouver un financement pour réaliser le troisième. Les banques se font de plus en plus pressantes et c'est donc un cinéaste constamment sous aspirine qui nous est présenté.
Le documentaire de Phie Ambo présente un Refn assez proche de ses acteurs, très sympathique et surtout extrêmement cinéphile. Il suffit de s'en rendre compte avec toutes les affiches que le bonhomme possède. D'ailleurs, il semble que le western-spaghetti possède un bonne place dans la cinéphilie de Refn.
Le but du documentaire n'est pas nécessairement de faire parler de Refn et des messages qu'il dissémine à travers ses films. C'est surtout montrer toute l'inquiétude d'un homme, coincé, pour financer une oeuvre qui lui permettrait de sortir la tête hors de l'eau. Refn se confie toutefois plusieurs fois à la caméra. Il y évoque ses craintes, énormes, face au secteur bancaire. Un point d'attention tout de même c'est qu'il évoque aussi sa plus grande peur: celle de ne plus être en phase artistiquement avec lui-même dans cette obligation de réaliser les suites pour de l'argent.
Malgré ses craintes, on sent un Refn extrêmement optimiste, refusant de se plaindre et de s'apitoyer sur son sort, qu'il jugerait autodestructeur. C'est aussi l'occasion de se glisser un peu dans l'intimité du cinéaste avec sa femme et sa fille, des gestes paternels tendres, mais aussi les inquiétudes de plus en plus pressantes de sa femme et la manière dont les dettes peuvent peser sur le couple.
L'occasion aussi avec ce documentaire de découvrir que la plupart des acteurs (la grande majorité en fait) de la trilogie Pusher sont tous des repris de justice ayant connu le monde de la drogue, sans tomber forcément dans l'exagération de leurs personnages. Pour cela, il est intéressant de voir comment Kurt tient à le rappeler.
Documentaire extrêmement intéressant à mon sens car il montre à quel point ce n'est pas facile de travailler dans le monde du cinéma, ce besoin constant d'être financé, mais aussi de découvrir un cinéaste qui était au sommet après Pusher et Bleeder et qui se retrouve six pieds sous terre après son troisième film. C'est surtout la façon dont il s'en sort qui est remarquable et le positivisme qu'il garde quasi constamment en tête.
La suite, on la connait. Pusher II et Pusher III se sont avérés meilleurs que le premier et Refn a, depuis, bien tracé sa route.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus en 2013