Pour son troisième et dernier long-métrage, le regretté René Laloux est resté dans son univers de prédilection : l'adaptation de romans de SF français. Et plutôt que de continuer sur celles de Stefan Wul, il se penche de nouveau sur le premier livre de la saga "Gandahar" de Jean-Pierre Andrevon, "Les Hommes-machines contre Gandahar", qu'il avait déjà tenté d'adapter en 1977 par le biais d'un court-métrage de présentation. Dix ans plus tard, le projet se concrétise.
Exit Mœbius, avec lequel il avait travaillé sur Les Maîtres du Temps, place à Caza, un autre gus issu de Métal Hurlant avec qui il avait déjà collaboré sur quelques courts-métrages, qui confectionnera les incroyables décors et le chara-design. Le rendu est aussi différent des deux précédents films que baignant sensiblement dans la même atmosphère bleutée, futuriste et surréaliste, à travers une histoire d'élitisme, de totalitarisme et d'amour. Et comme pour les deux précédents, le film peut dérouter : d'une part à cause d'un scénario faussement complexe jouant encore et toujours sur les voyages temporels et sur la condition humaine, et d'autre part par la mollesse évidente du rythme global du long-métrage, aux antipodes des productions ricaines ou japonaises de l'époque, plus dynamiques.
Languissante, parfois apathique, la tonalité peut rebuter, effrayer même. Pour autant, c'est ce qui fait la force et l'atypie des films de Laloux, appréciable ou pas, et ce qui rend par ailleurs Gandahar intéressant. Les doublages lymphatiques, les mouvements de la même trempe, cette distance presque pudique entre ce que vivent nos deux héros et notre regard de spectateur, contribuent à envelopper le film d'un cachet unique, hypnotisant et décalé. Pour autant, ce troisième et imparfait effort demeure une aventure galactique mouvementée, pleine de rebondissements et de séquences uniques autour d'un univers graphique extraordinaire, qui reste aujourd'hui encore une œuvre chaleureusement baroque et fantasmagorique.