Je ne suis pas le plus grand fan du cinéma de Scorsese. Je l'avoue sans honte, les films du réalisateur me font souvent chier. Je lui reconnaît de grandes qualités de metteur en scène, pas de souci de ce côté là, mais son cinéma m'emmerde profondément. Souvent pour les mêmes raisons : le cinéaste est plus intéressé par ses mouvements de caméra que par son scénario et ses films manquent souvent de la dramaturgie nécessaire à toute fiction, ce sont des oeuvres assez froides, dénuées d'émotions et dans lesquelles les personnages sont souvent peu développés.
Et au départ, ce "Gangs of New York" était bien parti pour ne pas me faire changer d'avis. Toute la première heure condense tout ce que je déteste chez Scorsese : une réalisation maitrisée mais comme d'hab, un film plus intéressé par la forme que par le fond, avec un Daniel Day Lewis show qui en fait des caisses, à la limite du caricatural (prestation qu'il réitèrera en 2007 dans "There Will Be Blood", en moins théâtral) et un Leonardo DiCaprio qui fait la gueule pour tenter de paraître badass. Comme toujours, papy Martin ressasse les mêmes obsessions, à savoir l'histoire de l'Amérique saupoudré de quelques questionnements sur la foi. Sans compter qu'il n'a jamais été capable de filmer correctement les scènes d'action ou de baston. Alors oui, plastiquement le film est beau, la reconstitution du New York est soignée... Mais pour le reste, rien de bien neuf sous le soleil.
Et puis, allez savoir pourquoi, passé les 50 premières minutes, Scorsese se met enfin à faire du cinéma. Avec l'arrivée de Jenny Everdeane et sa relation avec Vallon, la relation ambiguë entre ce dernier et Le Boucher, qui reste l'assassin de son père mais qui n'est pas le monstre que le jeune homme voudrait qu'il soit : soudain, "Gangs of New York" a enfin quelque chose à raconter. Il y a de l'émotion, il y a une thématique, il y a des personnages qui sont creusés, on sent venir le dilemme moral... Scorsese fait enfin ce qu'il n'a que trop rarement su faire.
Sauf que ces belles promesses dureront une heure à peine avant que le réalisateur ne retombe dans ses travers lors d'une dernière heure qui n'a plus grand chose à raconter. Laissé presque pour mort, Vallon mûrit sa vengeance. Le duel entre les deux hommes traine en longueur et Scorsese devient plus intéressé par l'aspect historique de son récit que par le reste. Et fatalement, mon intérêt à peu à peu baissé tout le long de cette dernière heure jusqu'à un final dont je me fout totalement.
C'est tout le problème du film : sa binarité. Scorsese tente de faire cohabiter le récit historique et le récit fictionnel. D'un côté l'histoire de l'immigration Irlandaise à New York et de l'autre celle d'un jeune homme habité par la rage et la vengeance. Et comme d'hab, l'un m'intéresse plus que l'autre (et visiblement, pas celui qui intéresse la majorité).
Dommage, "Gangs of New York" aura été un bon film le temps d'une petite heure (sur trois). C'est toujours mieux que les précédents mais ça reste du gâchis.