Je maudis depuis toujours le producteur Miramax d'avoir insisté pour que le premier montage - de presque quatre heures - ait été coupé afin que la durée soit raccourcie.
Ils auraient pu se rattraper avec une Director's Cut, mais non... c'était trop demandé ?
Passons. Gangs of New York. Voilà un film que je continue de porter dans mon cœur pour plusieurs raisons.
Pour ses parallèles à la guerre de sécession.
Pour le goût morbide de la lutte acharnée entre les différents gangs.
Et surtout pour sa reconstitution de New York au XIXème siècle.
La vie quotidienne d'immigrants opposés aux natifs, l'esprit d'un pays de libertés, où chacun veut faire son propre nid, où chacun ne passe jamais loin de la spirale infernale. Dans cette N.Y. de 1860 on y voit des magouilles de toutes sortes, on assiste au déferlement de divisions qui revendiquent ce que l'autre obtient...
C'est vraiment tout une ambiance qui s'installe, qui virevolte au rythme des armes tranchantes, qui s'intensifie pendant de violentes rixes, qui se calme pendant des moments de fêtes... et non loin de là une querelle entre péquenauds qui se sont bourrés la gueule.
Les thèmes habituels de Scorsese sont présents. Les notions de pouvoir, de traîtrise, de ramification, de corruption... derrière lesquelles se côtoient des particularités humaines de tous horizons.
Gangs of New York est donc l'occasion de voir un visage de New York rarement montré sur nos écrans de salon et de cinéma.
En toile de fond, une dimension historique fortement marquée, et en découle une flopée de petites intrigues crasseuses, sanguinaires ou amoureuses, ponctuées de morceaux de bravoure.
Les vieux démons des États-Unis refont surface pour livrer une part obscure de son histoire, quand celle-ci était la nouvelle grande terre d'immigration, amorçant des tensions communautaires.
Quels reproches pourrais-je faire à Gangs of New York ?
Je pourrais rechigner en parlant de la soif vengeresque du petiot qui est devenu adulte, tiraillé par diverses émotions. Je pourrais le faire également avec la trame, quelques fois prévisible, apportant sa pincée de mièvrerie (idylle impossible et meurtres infanticides), et de chiantisme (typiquement la remarque qui n'a pas de sens, elle ne devrait pas rentrer dans un processus d'appréciation).
Il n'y a pas à tortiller. Les moyens se voient parfois trop, mais le principal est que la grosse artillerie a été sortie et qu'elle a fait son effet sur moi.
Gangs of New York remet le contact en marche avec la marque de fabrique que sont les personnages scorsesiens, à l'extérieur comme à l'intérieur.
Leonardo DiCaprio et Daniel Day-Lewis sont foutrement bons. Ils laissent planer une complémentarité d'enfer aussi indispensable que celle qu'entretiennent DiCaprio et Tom Hanks dans Arrête-moi si tu peux.
Un fer de lance de la filmographie de Scorsese, son meilleur film historique grâce à une reconstitution à couper le souffle. Le genre de film qui nous plonge davantage dans un univers que dans une intrigue. Historiquement épatant, et encore plus que sa zone des Fives Points gangrenée par les bandes, les boissons et les jeux, Gangs of New York concorde brillamment au travers de ses multiples musiques qui parsèment l'histoire. Des compositions orchestrales diversifiées, alliant élégance et épique. Aux tendances irlandaises pour la plupart, assez traditionnelles (1) pour certaines, dans un ton très militaire (2) pour d'autres, voire même du rock distordu (3).
Je défendrai ce film jusque dans ma tombe.
(1) https://www.youtube.com/watch?v=wPjJoNqFCwY
(2) http://www.youtube.com/watch?v=vxDemDZWktM&hd=1
(3) http://www.youtube.com/watch?v=MDSK1XlwBPk&hd=1