A première vue, Garçon d’honneur, second long métrage du cinéaste taïwanais Ang Lee, apparaît comme un insignifiant vaudeville - ce que nous vend par ailleurs sa pénible bande-annonce d’époque sur fond de You Can’t Hurry Love. Installé à New-York, Wai-Tung (Winston Chao) vit en couple depuis six ans avec Simon (Mitchell Lichtenstein). Ses parents, résidant à Taïwan, dans leur obsession de voir se perpétuer la lignée familiale et ignorant l’orientation sexuelle de leur fils unique, lui envoient inlassablement des formulaires d’inscription à des agences matrimoniales. Las de ces sollicitations, Wai-Tung décide alors d’épouser Wei-Wei (May Chin), sa locataire artiste d’origine taïwanaise qui cherche par ailleurs désespérément à obtenir une carte verte afin de vivre son rêve américain. De loin, on devine déjà les futurs quiproquos se dresser, tels des passages obligés par lesquels le récit devra passer. Mais Ang Lee et son fidèle co-scénariste, James Schamus, sans les éviter complètement, tournent ces obligations à l’avantage de leur film.
Ainsi, Garçon d’honneur se révèle être une agréable comédie de mœurs douce amer sur l’identité. Ayant visiblement usé de tous les stratagèmes pour retarder l’échéance – jusqu’à communiquer des critères irréalistes auxquels devra répondre sa future compagne... avant de voir finalement débarquer de Taipei une cantatrice polyglotte conforme à ses exigences – et face à l’insistance de ses parents, Wai-Tung opte donc pour ce mariage arrangé. Mais l’arrivée des parents pour organiser les noces contraint Wai-Tung, ayant épousé le mode de vie occidental dans lequel il s’épanouit, à se confronter directement à leurs attentes nées de traditions ancestrales. A l’écran, cette problématique s’exprime au cours de ce fastueux banquet qui, outre le choc des cultures de circonstance, renverse l’équilibre précaire qui régissait le trouple Wai-Tung/Wei-Wei/Simon. Un trio attachant, malgré leurs mensonges, au même titre que ce vieux couple incarné par Gua Ah Lei et Lung Sihung. Ang Lee, pour avoir lui-même vécu ce trouble identitaire lors de son arrivée aux États-Unis, était définitivement le mieux à même de porter son idée au cinéma.
La bonne surprise survient lors du dénouement, qui ne sacrifie rien à un angélisme sirupeux et aux effusions de joie : des mensonges existent toujours au sein de la famille, mais la vérité sur cette union est désormais plus ou moins partagés parmi ses membres. Chacun rentre ainsi chez soi, sans fanfare ni trompette, mais en ayant néanmoins le sentiment de mieux se comprendre et comprendre l’autre.