L’arrivée d’un train en gare du nord.

Voilà bien un projet curieux puisque Claire Simon a bâti un documentaire, un film, un site web et une pièce de théâtre (finalement abandonnée, dommage) sur un étrange personnage : une gare, la Gare du Nord.
Ou plus exactement sur les gens de la gare.
Plus de 500.000 passagers quotidiens et des échanges en tous sens, RER, métro, TGV, trains de banlieue et même trafic international (Thalys et Eurostar).
C’est le film qui nous est donné à voir ici.
Ça commence de manière astucieuse et habile : un étudiant en socio, un peu loser [remarquable Reda Kateb], mène une enquête-sondage pour la RATP pour financer ses études et alimenter sa thèse sur la gare, village global. De quoi rencontrer tout plein de gens, des passagers, des agents, des commerçants, bref tout le petit peuple des ‘habitants’ de la gare.
L’occasion de croiser la belle Nicole Garcia, prof d’histoire, que l’on devine en route pour une chimio, le moral à zéro.
Le courant passe entre ces deux-là, qui sont, comme beaucoup de personnes en gare : “entre deux”. Entre deux états, un départ et une arrivée, un amour et un autre (ou pas), un boulot et un autre (ou pas), une vie et une autre.
Au fil des jours et des croisements, Nicole Garcia s’associe à la pseudo enquête de l’étudiant, ce qui nous donne de belles occasions de rencontre des occupants de la gare.
Avec de belles scènes de cinéma comme la dame pipi qui nous explique qu’elle fait un peu l’idiote parce que c’est ce que les gens attendent d’elle ou encore le népalais vendeur de bonbons qui nous explique que franchement il est désolé de voir ses filles devoir étudier en France (pan, ça c’est dit). Au passage (c’est le cas de le dire), c’est un portrait bien peu vendeur de notre jolie France comme terre d’accueil.
Ici, dans cet “entre deux” qu’est une gare, tout le monde n’est pas ce qu’il est : travailleur venu de si loin, bac+8 qui vend des sous-tifs, passager de passage, …
Et puis avec le travail documentaire en arrière-plan, on se dit que tout cela est vraiment inspiré des vrais gens de la vraie vie dans la vraie gare, comme par exemple, le personnage de Nicole Garcia dans la boutique Agatha.
On croise et recroise les mêmes personnages, une working girl en perdition, un père qui cherche sa fille fugueuse (François Damiens qui joue son propre rôle), …
Et la deuxième partie du film permet d’entrecroiser ces différentes trajectoires, de nouer et dénouer quelques fils. On oublie un peu l’enquête socio et l’on se concentre sur la poésie du lieu où l’on ne doute pas désormais que même des fantômes peuvent passer …
Mais nos avis sont assez controversés sur ce film : on peut adorer se laisser promener entre les niveaux de la gare, les niveaux de lecture du film, les personnages, …
Mais on peut aussi trouver le film beaucoup trop long (avec raison) et ne pas franchement apprécier le changement d’aiguillage à mi-parcours, mi fantastique, mi onirique.
On regrette aussi certaines insistances un peu appuyées comme les allusions répétées à la chimio et certaines scènes un trop expliquées comme la manif des infirmières ou le rêve.
Et en l’absence de violence (ou si peu), on se demande aussi si le portrait de cette gare est vraiment réaliste ou s’il s’agit d’un parti pris un peu trop bobo ?
Un film très curieux pour les curieux et pour les voyageurs : ou comment voir ces lieux avec un autre regard.
BMR
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le 3 sept. 2014

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