J'ai vu Garfield dès mon plus jeune âge, alors que ma culture cinéphile n'en était pas où elle en est aujourd'hui : loin des Godard, Kubrick et autre Lynch.
J'avais trouvé ce long métrage sympathique, drôle et divertissant. Mais ma petite plume juvénile avait déjà constaté que cette œuvre, oui cette ŒUVRE, rendons à César ce qui est à César, cachée quelque chose de bien plus profond.
Avec un regard adulte et aiguisé, j'ai revu ce film il y a des années, et il fait désormais parti de ces long métrages que je regarde tous les ans, avec une tendresse exquise doublée d'une pointe de nostalgie. Je peux aisément affirmer que c'est mon film de chevet.
A la fin du visionnage, je me retrouve toujours avec cette sensation de profonde solitude, et cette remise en question de ma place dans la société. Car oui, Garfield est non seulement une satyre de notre société de consommation et du monde du travail, mais aussi une métaphore de la vie d'adulte, et du passage à la trentaine.
Tout au long du film, nous suivons un chat roux nommé "Garfield", qui donne son nom au métrage. Feignant, gourmand et pataud, le gros matou va devoir apprendre à se remettre en question, à faire confiance et à grandir.
L'on retrouve de nombreuses scènes allant dans ce sens. A commencer par celle où John, son maitre (nous avons ici directement une indication sociologique de séparation des classes entre maitre/esclave) lui ordonne de chasser une souris. Chose que Garfield refuse en lui disant qu'il n'a qu'à le faire lui même. Simple, limpide mais diablement efficace. Nous avons ici une mise en abîme avec le monde des travailleurs, notamment celui des ouvriers de pères en fils, qui sont inlassablement destiné à faire le même travail. Garfield lui, réfute son héritage félin, et détruit le mythe de Sisyphe en un seul dialogue. Il s'émancipe et refuse de subir l'autorité de son maitre.
En seulement une scène, usant de sa grammaire visuelle utilisant la règle des 180 et du champ contre champ, nous avons la preuve irréfutable que ce film, de base pour enfant, en a bien plus à nous raconter.
Sans entrer dans la divulgation pur et dur, un élément perturbateur va arriver dans la vie de notre chat roux : un chien. Nous allons voir Garfield triste, refusant la nouveauté et finalement, il acceptera au cours d'un long voyage, la compagnie du canidé. On peut aisément y voir les étapes du deuil. Le deuil de l'adolescence et de la fin des lasagnes pour Garfield, qui devra grandir et évoluer.
Les lasagnes sont d'ailleurs l'excellente image métaphorique que le réalisateur utilise pour marquer le passage à l'âge adulte de Garfield. Leur consistance, la sauce béchamel et la gourmandise presque addictive du chat, nous renvoi à des choses auxquels les jeunes hommes et femmes pensent beaucoup entre leur 14 e 18 ans. Au début du film, Garfield ne fait que manger ses lasagnes, seul. Durant une partie du film, ce plat disparait, nous faisant ainsi comprendre que le héros à évoluer, pour finalement en manger une portion à la fin du film. Mais pourquoi ce retour en arrière ? Et bien, pour nous démontrer qu'être adulte ne signifie pas la fin de l’innocence et du plaisir. Dans ce film, les lasagnes sont la métaphores du bonheur, et de l'équilibre que tout humain doit trouver sur sa route. C'est du cinéma, du vrai.
L'oeuvre de Peter Hewitt, et donc un film sociétale très punk dans sa mise en scène et plein de sens caché, une lecture presque cryptique de ses personnages. Un film à recommander et a revisionner sans cesse.
Bedge.