J'ai découvert Gatsby il y a deux ans, lors d'une visite impromptue chez un libraire vendeur d'occasions, camouflé dans le recoin de l'entrée d'une Fnac, faisant pâle opposition à cette dernière, mais remarquable tout de même par la presque absurde résistance qu'il semblait effectuer. J'étais alors à Tours, ville remarquable par sa tranquillité, son insouciance & son apparente mélancolie duveteuse, provoquée indubitablement par son atmosphère sylvestre & fluviale, bercée elle-même au gré de ce que l'on peut appeler un "petit Paris haussmannien". L'abondance des parcs naturels & la présence de la Loire, paisible & au flux si lent qu'il semble agir sur le temps qui défile, m'avaient donné des envies de lectures oniriques, aux teintes amoureuses & neurasthéniques. Le libraire en question, avec lequel j'avais parlé de mes études & de la manière dont j'entrevoyais la vie, m'avait alors conseillé le livre intriguant qu'est "Gatsby le magnifique". Deux sous avaient suffi pour que j'en prenne possession & j'étais allé le déguster sur les quais du fleuve, serein, ému, reposé d'une vie quotidienne qui m'était bien trop tumultueuse.
Cependant je l'avais lu en français & j'avais en conséquence perdu des subtilités exprimées par Fitzgerald. Je suis en études anglophones & cette année, on nous a imposé la lecture, donc la relecture pour moi, de ce bouquin qui m'est si cher, en version originale, néanmoins. Ladite relecture était loin d'être un fardeau pour moi, d'autant plus que les cours auxquels j'assiste m'ont permis une compréhension plus élargie de ce qu'a désiré dévoiler Fitzgerald, à son époque incompris. Détail hasardeux : l'an dernier, le mythe de Gatsby a été remis au goût du jour, à travers une pièce de théâtre, des conférences à son sujet & des mises en relation avec l'actualité sociale contemporaine, sans oublier l'oeuvre à paraître en salles d'ici mai.
Cette dernière m'intriguant, je me suis souvenu il n'y a pas si longtemps qu'il existait déjà une adaptation, parue dans les années 70, avec l'un des acteurs que j'idolâtre & qui est le prestigieux Robert Redford. Parlons donc de ce film ! Que ce soit clair, il s'agit d'un calque quasiment parfait de l'oeuvre originelle, donc ceux qui l'ont lue ne risquent pas d'être surpris par une quelconque entreprise ou mise en danger, mis à part quelques décalages temporels, sûrement des détails pratiques pour arranger Clayton. Toutefois, pour ceux qui ne connaissent pas le bouquin, la première heure peut se révéler être un calvaire infini en cela que tout est enchevêtré de manière presque barbare : certaines scènes sont survolées, il faut se concentrer sur les moindres paroles pour assimiler les relations entre les personnages, & on a l'impression d'assister à une représentation trop glamour sans jamais que les facettes sous-jacentes soient visibles (la supposée homosexualité de Nick, la présence des différentes classes sociales, & notamment de la pègre lors des soirées organisées par Gatsby, les mystères qu'entretient ce dernier étant cependant bien cachés à l'écran).
Il faut attendre la deuxième partie du film pour se lier vraiment aux personnages & se prendre de passion pour l'histoire. En cela, le casting est admirable : on peut retenir en particulier l'interprétation irréprochable de Redford en Gatsby, dandy romantique & impénétrable, dont le sourire convient parfaitement à celui qui est écrit dans le bouquin & celle de Bruce Dern, remarquable dans son rôle de brute, surtout lors des révélations au Plaza Hotel.
Finalement, même s'il est certain que Clayton n'a pas su capter au complet la subtilité de Fitzgerald, ou du moins la retranscrire entièrement, il s'agit là d'une adaptation mémorable de l'oeuvre originelle. La poésie & le désenchantement exprimés par l'auteur y sont présents, notamment à la fin, & on ne sort pas indemne de ce visionnage, qui marque durablement les esprits sur une réalité qui n'a depuis le Jazz Age plus été aussi actuelle qu'aujourd'hui. Voyons maintenant si Luhrmann parvient à tenir le même pari.
Satané
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le 28 févr. 2013

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Satané

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