Initialement prévu fin 2012, Gatsby Le Magnifique a su se faire désirer et malheureusement la déception est d'autant plus grande. Logique film d'ouverture du Festival de Cannes, Gatsby le Magnifique rentre pleinement dans cette thématique de la surenchère, de la bourgeoisie et des festivités dont Cannes raffole. Mais le film laisse le goût désagréable d'un bonbon acidulé. C'est bon mais ça pique !

Un film qui laisse une impression terriblement partagée à la sortie de la salle.

Partagée dans le sens où l'histoire de Gatsby transpire l'universalité, l'aspect tragique de chaque histoire d'amour et se distingue des productions habituelles, en se révélant pas aussi idyllique qu'attendue. Le récit est très intéressant, notamment de par sa contextualisation dans le New York des années 1920's et vaut encore plus pour l'interprétation de tous ses acteurs, génialissimes au possible. Un Leonardo DiCaprio dont l'interprétation de Gatsby ne fera pas tâche dans filmographie et surprend tant le bonhomme est toujours à la recherche d'un Oscar. Carey Mulligan est davantage dans l'interprétation surjouée que sur ses précédents (Shame, Drive, etc.) mais qu'à cela ne tienne, elle campe parfaitement cette femme idylle aux yeux de Gatsby, beaucoup plus torturée et vicieuse qu'il n'y paraît. Tobey Maguire est relativement transparent sans pour autant dépiter l'audience tandis que Joel Edgerton se confirme en valeur sûr du cinéma américain lorsqu'il campe ce personnage méprisant, odieux et affreusement détestable. Son personnage n'est pas loin du cliché, mais les subtilités qui composent son interprétation au fil de l'intrigue évite soigneusement le stéréotype.

Il faut reconnaître à Baz d'avoir su comprendre l'essor du New York des années 20 et surtout la frénésie et l'euphorie qui animaient toute une population bourgeoise en mal de divertissements et de désirs presque libertins. La libération des mœurs, la popularité grandissante d'une musique "noire", les effets pervers de la prohibition et le charme et l'esthétique des ces bourgeois dont les tenues élégantes et affriolantes se complétaient et donnaient une saveur particulière à cette époque désormais révolue. Un bon point pour Baz qui se retrouve malheureusement entaché par l'utilisation abusive du numérique, du fond vert visible et confère au film un aspect superficiel regrettable pour une période qui ne demandait qu'à être retranscrite de la manière la plus fidèle possible, en évitant justement de confiner les décors dans un studio bourré de fond vert.

En fait, Gatsby le Magnifique est un film qui saura davantage combler la gente féminine que la gente masculine, peut-être moins sensible au style Luhrmann rempli d'effets visuels surenchéris et de bandes-son tape-à-l’œil (ou à l'oreille). C'est la marque de fabrique de Baz Luhrmann que d'incorporer des anachronismes musicaux et cela fonctionne sur certaines parties du récit mais cette perspective fait perdre l'intérêt du film dont il est difficile de différencier ces soirées des années 20 à celle d'aujourd'hui, de par l'utilisation d'une bande originale anachronique et parfois répétée inlassablement (Lana Del Rey : Yound and Beautiful & Florence & the Machine : Over the Love).

Car de l'autre côté des qualités évidentes du film, le récit est entaché par la surenchère d'effets numériques, au style Luhrmann qui sur-vend la chose alors que le récit méritait un traitement davantage orienté sur le fond plutôt que sur le forme. Il y a une certaine audace dans la manière de représenter à l’écœurement ces fêtes toutes plus folles les unes que les autres, mais ces dernières prennent davantage le ton d'un Projet X où tout est permis sans aucune limite et où les excès sont monnaies courantes. Baz s'entête à présenter ces fêtes de la manière dont elles sont ressenties, éprouvés par les participants plutôt qu'en faire une description fidèle. More, more and more ! Baz pousse l'enjeu de son film au-delà de la réalité, signature de son style, et propose une histoire presque surréaliste à l'inverse d'une adaptation fidèle du roman de Fitzgerald et de ses enjeux. Sans savoir s'il s'agit du récit de Fitzgerald ou de la manière dont Baz l'a appréhendé, toujours est il qu'à certains moments, Gatbsy le Magnifique tombe dans une forme de niaiserie, de prévisibilité qui rendent l'histoire indigeste jusqu'à qu'il se rattrape par son final, dont l'audace peut être saluée face à la facilité que permettait le récit.

Alors, est-ce que c'est le style outrancier et superficiel de Baz Luhrmann qui n'arrive pas à convaincre ou tout simplement l'ensemble du long-métrage ?

Difficile à dire ! Toujours est il que les discussions seront longues et partagées autour du film. Il en reste très certainement une divertissement sympathique grand public, proche d'une friandise, tandis que les cinéphiles y trouveront à redire sur la forme et le traitement surréaliste du récit. Proche de ce bonbon acidulé qui nous pique les amygdales.
Softon
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le 17 mai 2013

Modifiée

le 18 mai 2013

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Kévin List

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