Cet homme qui fantasme sa relation à une femme choisie (ou non ?) et, par extension, fantasme sa vie (au passé, au présent, au futur) ; je m'y suis retrouvé un peu. J'ai déjà dû vouloir attraper cette lumière d'une autre rive, à ceci près que la mienne était plutôt jaune ou rouge que verte. J'ai déjà dû être assis à côté d'une femme idéalisée, sans la regarder, et n'avoir eu que quelques mots incompréhensibles à bégayer, presque pour moi-même. J'ai déjà dû me dire qu'une pièce, sans elle, avait nettement moins de splendeur. J'ai déjà dû vouloir lui faire un château, des bijoux et des vêtements à l'échelle de sa trop pleine perfection. J'ai déjà dû me mentir quelques fois à coups de beaucoup de films improbables porteurs de beaucoup d'espoir pour trop peu de résultats valables. J'ai déjà dû sentir qu'on se tenait à ma place. J’ai déjà dû avoir jusqu’à certaines des mimiques de ce DiCaprio inquiet et anxieux, sans approcher leur superbe. Je sais ainsi peut-être quelques bribes des abîmes de Jay Gatsby. Pour ça et pour tellement d’autres choses, j’aime cette oeuvre, je l’aime d’amour ; je suis ravi par les acteurs, ravi par les couleurs, ravi par les costumes, ravi par le montage, ravi par la musique, ravi à ma petite vie bancale pour aimer mieux celle qui éclate de symboles et brûle les impossibles. Puis ce n’est pas tous les jours qu’on fait d’aussi jolis films à propos de l’amitié des hommes ; au-delà de Gatsby et Daisy, retenons Nick et Gatsby, les amis rêvés. Que le regard bleu de Dieu pose sa bénédiction sur celui qui n’a même plus besoin de prétendre à un titre dans mon cœur - il les a tous (Léonardo DiCaprio), celle qui enchaîne les rôles réellement romantiques de sa silhouette en porcelaine (Carey Mulligan), l’ami discret et aimable par excellence (Tobey Maguire) et tout le reste de cette petite équipe de rêve, réalisateur et compositeur particulièrement compris dans l’affaire. Que Jay Gatsby m’invite encore longtemps à toucher l’étoile.
Maintenant, les remerciements d’un éternel passionné de doublage français : Merci à Damien Ferrette de me sembler toujours si joliment à fleur de peau, à Barbara Tissier de mêler éclat et envol, ivresse et douceur, d’être une éternelle sucrerie, à Alexis Tomassian de laisser filer toujours sa singularité hautement habile à consoler, à Jérémie Covillault pour la savante barbarie dont il est capable et à Déborah Perret pour être, particulièrement ici, une voix de femme qu’il me faudrait presque épouser. Merci aussi à toutes les autres voix et merci enfin à Michel Derain - on est souvent bon comédien que sous de bonnes directives.