C'est avec discrétion, avec un repli pratiquement autarcique que le film de Manoel De Oliveira s'impose dans le paysage cinématographique de ce début de XXIeme siècle. Prenant une forme véritablement minimaliste, proche du dispositif scénique, ce Gebo et l'ombre lésine sur le nombre de vues ( facilement calculable au demeurant ), limitant au maximum les valeurs de plan et les effets de montage ; il n'y a d'ailleurs que peu ou prou d'effets dans ce conte intemporel, privilégiant un texte soutenu jusqu'à l'excès et une lumière huilée particulièrement séduisante. Gebo et l'ombre, modestement, étire ses silences et ses tirades pour en extirper une émotion tragique certes timide mais bienveillante, l'ensemble régi par le regard sage et affecté d'un Manoel De Oliveira s'interrogeant sur l'affrontement de la Mort et les fantômes de l'Existence...
Gebo et l'ombre, de forme chiche et de propos consistant, se révèle digne d'intérêts philosophiques et poétiques, évitant joliment le carcan notoire du théâtre filmé. Fixe au point d'en devenir imperturbable voire lénifiant le rythme demeure en permanence dicté par le texte et les interprètes, le cinéaste centenaire poussant le risque vers un paroxysme assez salutaire. Le film parle du vieil âge et de son quotidien, de sa routine et de ses craintes avec respect et dignité, contrastant avec une jeunesse représentée sous la forme de la singularité, de l'apparition et de la transfiguration in fine. Intégralement tourné en intérieurs Gebo et l'ombre est un huis-clos élégamment incongru et courageux, se moquant bien du qu'en-dira-t-on et du racolage. Il se dégage de ce petit film un apaisement touchant, qui inspire directement la sympathie. A redécouvrir d'urgence !