On peut dire que j'ai pris mon temps, pour écrire cette critique. J'ai vu ce film en avril 2011, j'avais 13 ans. Et je ne l'ai pas revu depuis. Aujourd'hui, j'ai 21 ans, et il m'a fallu donc un peu moins de huit ans pour poser les mots sur cette oeuvre qui m'a profondément marquée.
Je commencerai par dire que 13 ans, c'est jeune, trop jeune pour voir ce film. Il est sans concession, sans pitié, et c'est ce qui fait sa force. Certes, il a vieilli, les dessins sont au départ simplistes, cartoonesques, mignons, et cela ne peut pas plaire à tout le monde. Cependant, ces dessins parviendront tout de même à montrer l'indicible réalité de la Bombe, avec une perfection et une brutalité encore aujourd'hui inégalées. Car si d'habitude, on se contente d'un flash blanc pour séparer le quotidien des japonais et le réveil des survivants dans un monde post-apocalyptique, Gen d'Hiroshima va plus loin (plus loin même que le manga dont il est tiré): la scène de l'explosion de la Bombe s'étire sur plus de trois minutes où l'on peut observer ses effets immédiats au ralenti : les vêtements sont soufflés, les yeux cuisent littéralement et tombent des orbites, la peau fond, les cheveux brûlent, les corps se réduisent et éclatent... De nombreuses victimes sont ainsi montrées : une petite fille, un homme, une mère et son bébé, un chien... Cette scène est insoutenable.
Pour l'anecdote, et pour en revenir à moi et mes treize ans, je tiens à préciser que je n'étais pas spécialement impressionnable, mais que, cependant, je n'étais pas prête à voir ça. Pour tout vous dire, je n'ai jamais revu cette scène, mais le plus petit détail, des images au son, est gravé dans ma mémoire. A l'époque, j'avais même interrompu mon visionnage au réveil du petit Gen, histoire de faire une pause. Je l'ai repris quelques jours plus tard, croyant naïvement que le pire était passé. Fatale erreur! Étonnamment, le pire commence après la scène de la Bombe: tout semble irréel, la ville d'Hiroshima n'existe plus, les bâtiments brûlent, les survivants, complètement déformés, errent dans les rues comme des zombies, bras tendus. Des corps calcinés, réduits, sont au sol. Et Gen, du haut de ses sept ans, se retrouve en charge des membres survivants de sa famille.
Je n'ai pas encore beaucoup parlé des personnages, qui sont extrêmement attachants. On souffre avec eux, on est dès le départ immergés dans leur quotidien, et cela rend l'expérience encore plus difficile, mais également de meilleure qualité: cela permet d'associer des humains aux victimes, et plus seulement des chiffres, de ne plus simplement considérer des faits, mais d'en percevoir, même partiellement, la portée. Car si je n'étais pas prête à 13 ans, c'est parce que je ne savais rien de cette tragédie, et surtout pas les effets d'une telle bombe. Et quand, au collège, j'en ai parlé avec mes amis, histoire d'exorciser quelque peu ce que j'avais pu ressentir après le visionnage, j'ai constaté qu'eux non plus, ne savaient rien. Et c'est là tout le problème: en Occident, cette tragédie est méconnue.
D'où l'utilité de visionner ce film au moins une fois dans une vie. Certes, je n'étais pas prête, mais je n'ai pas de regrets. Ce film m'a marquée à vie, m'a rendue curieuse, et assoiffée de compréhension. Depuis, je me suis beaucoup documentée à ce sujet, dans l'espoir de comprendre comment on avait pu déchaîner ce feu sur des êtres vivants. En vain. Enfin, je m'égare, vous n'êtes pas là pour qu'on parle de moi.
Gen est une oeuvre forte, à véritable valeur historique, et je dirais même d'utilité publique. Il est assez difficile à trouver en VOSTFR, hormis en dvd, mais si vous maîtrisez l'anglais, youtube est votre ami!