Le crime fouillis
Avec tata Deneuve en vedette, Généalogie d'un crime attire quelque peu l'attention. Son affiche en totalité, tout compte fait; tantôt sanglant, tantôt plus psychologique. Un thriller, donc, qui...
Par
le 11 avr. 2021
3 j'aime
A l'époque de GÉNÉALOGIES D’UN CRIME (1997), Raul Ruiz enchaînait un opus par an, et il était devenu difficile d'être sensible à la musique singulière de chacun d'entre eux, à force d’effets de signature qui en limitaient la portée (genre : bric-à-brac frisant le kitsch). Or avec la distance, le film semble moins branché sur les années 90 que 70, par son appétit de formes et l’intensification folle de la fiction. Voici donc Deneuve perdue parmi les signes, jetée dans le grand bazar des choses - provisoirement débarrassée du réalisme psychologique français. Avec le temps, les innombrables bibelots ont pris la trouble densité d’artefacts-Sésame, McGuffins et boites de Pandore lestés d’un poids, d’une Histoire. Imper rouge, revolver, fresque murale, lampes, vases, miroirs, les signes font signe, tremblent et s’agitent autour de la comédienne dans une ronde hilare pas si gratuite, version d’Alice au pays des terreurs où le sarcasme le cède finalement à la mélancolie (le personnage de Piccoli qui me semblait trop histrionique, m’a paru plus sérieux et émouvant dans sa folie, jusque dans la scène du suicide collectif des psys). Le film est porté par une sorte de libido vénéneuse qui s’exprime autant dans la splendeur de la direction artistique (ce sont les formes qui désirent, dirait-on) que dans l’érotisme quinqua de Deneuve – avocate amoureuse d’un client ayant l’âge de son fils. Visage encore intact mais silhouette plus enveloppée, l’âge de l’entre-deux fendille subtilement la puissance de l’actrice (et la rend plus fascinante).
GÉNÉALOGIES commence comme un Hitchcock sirkien (LES AMANTS DU CAPRICORNE), et c’est peu dire que le film est prodigue dans les figures qu’il convoque, et audacieux dans le niveau de convention qu’il requière (farce freudienne, rien que ça). Il tisse une toile souterraine avec les labyrinthes baroques que Deneuve traversa dans les années 70, teintés de surréalisme (LA FEMME AUX BOTTES ROUGES), d’ésotérisme (ECOUTE VOIR), de conte gothique (AMES PERDUES), tous gangrenés par une libido déviante ou maladive, souvent fétichiste. Au fond c’est toujours TRISTANA qui rôde, et dévide sa pelote le long de la filmo de l’actrice, clapotis ou eau profonde, secret lancinant qui cogne au revers de la médaille. Mais les caresses solitaires de la vieille fille d’AGENT TROUBLE (autre pierre noire du corpus) sont solidaires d’un appétit de vérité, d’un désir d’enquête. Les ombres de la sexualité nourrissent les lumières du savoir (avocate, psy, romancière, détective privée). Le désir déborde, inspire la mise en scène, autorise les surgissements plastiques ou narratifs les plus débridés, luxuriante jungle de motifs s’enroulant autour d’un marbre supposé inaltérable : l’actrice.
Créée
le 6 nov. 2023
Critique lue 30 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Généalogies d'un crime
Avec tata Deneuve en vedette, Généalogie d'un crime attire quelque peu l'attention. Son affiche en totalité, tout compte fait; tantôt sanglant, tantôt plus psychologique. Un thriller, donc, qui...
Par
le 11 avr. 2021
3 j'aime
Voilà sans doute un film trop subtil pour moi. Les tortueuses pratiques d'un groupe de psychanalystes déviants conduisent à un crime. C'est à peu près ce que j'ai compris... J'ai trouvé l'ensemble...
Par
le 29 mars 2014
2 j'aime
A l'époque de GÉNÉALOGIES D’UN CRIME (1997), Raul Ruiz enchaînait un opus par an, et il était devenu difficile d'être sensible à la musique singulière de chacun d'entre eux, à force d’effets de...
Par
le 6 nov. 2023
1 j'aime
Du même critique
Alexis Langlois avait réalisé des courts plus ou moins réussis, avec un sens de l'auto-dérision, de la référence sexy et de l'ironie complice qui cadrait bien avec l'air du temps. Changement ici : on...
Par
le 27 nov. 2024
2 j'aime
Une journée dans la vie d’un couple de retraités ordinaires, la visite du fis qui peine à présenter sa fiancée, presque rien, l’infinitésimal du poulet à acheter, et du verre de nuit qui s’est cassé...
Par
le 27 sept. 2023
2 j'aime
À première vue le film est moins délirant que "La Couronne de fer", précédente réalisation de Blasetti : réutilisation de ses décors & costumes, décors exclusivement studio (pas l'once d'une...
Par
le 26 déc. 2023
1 j'aime