Le meilleur des mondes a-t-il aussi besoin d'un coup de pouce ?

C'est avec, je l'avoue, peu d'entrain que je me suis lancé dans le visionnage de Génération Rx, probablement attiré par le casting surprenant et la promesse d'une comédie dramatique sortant du lot. Mais l'intrigue se mettant en place, j'ai pu découvrir peu à peu les traits d'une subtilité dénonciatrice insoupçonnée à l'expression peu commune.


Dans son premier long métrage, Arie Posin dresse un portrait satirique d'une Amérique moderne superficielle, où l'hypocrisie et l'égoïsme semblent avoir pris le pas à outrance sur les relations humaines.
C'est dans un décor de banlieue résidentielle aisée que nous assistons à la cohabitation difficile des adultes avec leurs enfants. Les premiers, bornés aux sourires forcés, se complaisent dans l'idée qu'ils sont des modèles de réussite, ne se souciant d'autrui (mari, femme, voisins, enfants...) que si cela peut servir leur propre intérêt. Les seconds, drogués aux euphorisants et autres substances en tout genre, tentent de fuir artificiellement un "paradis" qui ne leur correspond pas et qu'ils ne comprennent pas.


Dans cet univers décalé où chaque relation entre les protagonistes sonne faux, seul Dean, adolescent paumé anesthésié aux médicaments, semble se rendre compte de l'absurdité qui l'entoure. Sa conscience de l'anormalité dans laquelle il évolue est d'ailleurs personnalisée par un être animé (que seul Dean peut voir), qui semble au premier abord n'être qu'un effet de style témoignant de sa folie née de traumatismes refoulés. Toutefois, la symbolique derrière ce personnage fictif, nommé le Chumscrubber, est bien plus étendue qu'elle n'y paraît.


Il constitue d'abord ce que les enfants / adolescents ne veulent pas devenir : un sous-homme fantomatique errant dans l'obscurité, affaibli par la solitude et l'ennui, représentation imaginaire directe de Troy. Il représente également le déni démesuré des adultes face aux comportements de leurs enfants : enlèvement, dépendance aux drogues, appartenance à un groupe ultra-violent, suicide ... C'est d'ailleurs dans ce déni que le Chumscrubber puise toute sa puissance de conviction : plus le refus collectif est fort et plus le personnage s'ancre dans la réalité, ne pouvant être ignoré d'avantage. Il devient alors l'entité permettant de rétablir un dialogue sincère entre les protagonistes, les menant vers l'acceptation d'une vérité qu'ils refusaient et les mettant face à leurs propres peurs en leur imposant pour seule option l'affrontement libérateur jusqu'ici évité.


Même si le film n'est pas exempt de défauts (une mise en scène parfois très convenue, certains personnages trop peu exploités, quelques baisses de rythme par moments, un final un peu trop retenu ...), il vaut toutefois le coup d'œil. Sous ses aires de teen-movie superficiel se dissimule une complexité sans prétention, alliant avec maîtrise humour noir et drame social. Car si le sujet principal est vu et revu, l'approche, elle, est unique. Tout, des situations grotesques jusqu'aux personnalités stéréotypées des protagonistes, est exagéré afin d'alimenter l'absurdité. Beaucoup de thématiques différentes sont abordées et même si certaines sont très peu approfondies, elles demandent néanmoins un investissement réflexif de la part du spectateur. Le public n'est pas sous-estimé, ce qui lui permet de laisser libre cours à ses interprétations tout en lui évitant de se perdre dans une intrigue trop abstraite.


Génération Rx est donc selon moi un bon film qui mérite que l'on s'y attarde. C'est avec une subtilité inattendue qu' Arie Posin nous dévoile sa vision singulière des choses. Par la légèreté de son approche narrative empreinte de symbolisme, il contraste efficacement la virulence de ses propos, nous faisant alors comprendre (notamment par l'ambiguïté du plan final) que même la plus pure des formes peut abriter le chaos.


Note : 7,5/10

MrMojoRisin
7
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le 11 oct. 2015

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MrMojoRisin

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