Noter un documentaire sur un(e) artiste que j'apprécie beaucoup ; l'exercice a toujours été difficile pour moi qui ai parfois trop tendance à considérer le sujet traité plus que la façon dont il est traité. C'est toutefois armé d'objectivité que je suis allé voir Janis, sachant pertinemment que la qualité du film n'entacherait en rien ma vision de la femme iconique qu'elle était.
Le film retrace de façon chronologique la vie sans pareille de Janis Joplin, de son enfance ordinaire dans une petite ville du Texas, jusqu'à son ascension fulgurante stoppée nette à San Francisco, en passant par son adolescence sans cesse humiliée durant laquelle elle trouva dans la musique folk et le blues son exutoire.
Amy Berg signe ici un documentaire touchant et captivant, résultat de huit années de travail, réservant sa part de sensationnalisme au fond plutôt qu'à la forme (très académique mais qu'importe). C'est avant tout l'approche intime qui intéresse la réalisatrice, illustrée avec application par des images d'archives personnelles, lettres inédites adressées à la famille, interviews de proches et séquences de concerts survoltées. Nous découvrons tous les aspects de la personnalité complexe de Janis, son excentricité, son énergie parfaitement contrôlée, mais surtout ses doutes, ses addictions et sa grande vulnérabilité. Nous la suivons dans sa douloureuse quête d'amour, plus que de gloire ou d'argent ; de la révélation du festival de Monterey jusqu'aux quelques hésitations des derniers concerts, prémices d'un aboutissement solitaire prématuré et véritables témoignages d'une vie régie par ses impulsions.
Toutefois, si je peux reprocher une chose à Amy Berg, c'est de ne se cantonner qu'à la pensée féministe qu'elle nous présente derrière l'histoire de Janis, recentrant toujours drastiquement le propos sur elle seule, en négligeant souvent trop la musique et les textes (dans l'aspect technique). Qui composait les mélodies ? Quelle était l'implication de chaque membre des groupes dans le processus créatif ? Quelles étaient les principales inspirations ? Sans nécessairement s'y attarder, je trouve dommage que certains aspects soient survolés ou présentés de manière anecdotique, faisant croire par moments que la création propre n'était que secondaire pour Janis (ce dont je doute).
Malgré tout, l'expérience reste une réussite. Il en ressort un témoignage sincère et informé d'une vie extraordinaire, me faisant regretter pour ma part de ne pas avoir plus tôt pris le temps de connaître la femme fragile qu'était Janis Joplin, dissimulée derrière l'icône psychédélique atemporelle qu'elle représentait et représente encore aujourd'hui.