Voilà une belle surprise malgré un début où j'augurais mal de la suite : on comprend mal certains tics de prise de vue - souvenir mal digéré du Dogme ? - qui, de plus, se contredisent entre eux. Cette volonté de "faire main", comme il est annoncé au début, n'empêche pas un style réfléchi : le découpage est plutôt à l'avenant, peu en rapport/accord ou désaccord avec le jeu des acteurs et la mise en scène, mais on comptera sur le réalisateur pour faire mieux la prochaine fois (même à vouloir garder ce côté "action filming"...)
Le meilleur : des scènes très courtes, vraiment très courtes qui s'interrompent net pour passer à d'autres personnages et un autre contexte sans lien donné. Certaines situations pourront éventuellement être reprises plus loin, certains personnages également, dans des contextes identiques ou non, mais un certain rythme et une manière de césure est conservée. Des scènes disparates par leur ton - c'est du moins l'impression première - qui naviguent entre absurde, philosophie, burlesque, drame pathologique (mais bref) - qui finissent, tissées ensemble, par créer un monde très homogène, comme infecté par un stress morbide, pathogène, où il faut réapprendre l'essentiel : marcher, boire, dormir.
C'est donc ce travail de tissage entre des scènes qui, outre leur approche disparate, ont tout de même une saisie rapide et condensée en commun qui leur permet sans doute de fonctionner ensemble par moments à merveille, voire de se marier dans un tourbillon, superposées presque (en considérant une certaine persistance non pas rétinienne, mais mentale) comme ce qui, plus abouti encore, pourrait ressembler à un équivalent cinématographique d'une Sinfonia de Berio, par ex., ou simplement à une fugue à thèmes divers. À suivre (et à revoir) de près.
[Revu le 8.10.2015 : maintient la surprise et les réserves. Réserves pour le style, certaines choses un peu trop appuyées et un fantastique un peu trop fabriqué (appuyé aussi : il fallait laisser les choses aller - et ne pas se sentir obligé de filmer de façon aussi "nerveuse"...). Néanmoins, certains moments parlent de l'Espagne contemporaine avec une grande vigueur émotive. Certaines situations semblent en percer le cœur soudain, opération qui ne se réussit que lorque la forme mise en place rejoint l'écriture même de la situation, à deux ou trois reprises. Je pense à la séquence du "restaurant mexicain rêvé", aux trois interventions du réapprentissage à marcher, boire et dormir : le dernier d'autant plus fort qu'il peut être ambigu, au discours off soudain qui vient préparer le discours face caméra dans le taxi (?), etc... ]