On ne peut pas considérer ce western comme un vrai biopic, ce serait plutôt un mini-biopic du grand chef Apache, car il ne s'intéresse qu'aux 2 premières redditions de Geronimo, alors que depuis la mort de Cochise en 1874, il reste le dernier grand chef des Apaches Chiricahuas. Le film adopte le point de vue des Indiens, ce qui est intéressant mais il n'est guère rigoureux sur le plan historique, le scénario se contentant de reprendre divers événements réels qui sont arrangés de façon à ce que le film s'inscrive dans un courant de western pro-Indien. Les noms par contre sont tous réels.
Haï et méprisé par les Blancs et par le cinéma hollywoodien pendant près d'un demi-siècle, l'Indien s'est vu réhabilité à partir des années 50, avec notamment la Flèche brisée et la Porte du diable. Plusieurs westerns ont suivi en dotant l'homme rouge de qualités qu'on lui avait refusé farouchement, passant de bête sauvage à victime. Ce Geronimo entre tout à fait dans ce cadre, mais comme je le disais, la vérité n'y est pas plus formelle que dans le Geronimo de Walter Hill en 1993 ; ce film est tout de même un peu plus fidèle à certains faits que le film de Hill.
Le réalisateur dépeint un Geronimo meurtri, spolié et trahi par les politicards de Washington qui ne se rendaient pas compte des conditions de vie des Apaches car n'étant jamais sur le terrain ; ils se contentaient de pondre des lois et des traités qui étaient appliqués par une bande de militaires abrutis qui ne pensaient qu'à provoquer et à humilier les Apaches. On voit parfaitement ici le mépris dont sont victimes les Apaches, car on leur a promis des terres mais ils sont parqués dans des réserves en captifs, privés de liberté et gardés par des soldats, ils ne sont pas libres d'aller à la chasse, les Blancs veulent faire d'eux des fermiers alors que ce n'est pas dans leur nature, et Geronimo ne peut évidemment pas l'accepter. C'est là qu'on constate que les Etats-Unis n'ont jamais su ni voulu comprendre ces peuples qui vivaient dans ce pays bien avant l'arrivée des colons blancs, ils n'ont pensé qu'à leur voler leurs terres.
Le manichéisme a donc changé de camp, les Blancs sont ici méprisables, à l'instar du capitaine Maynard qui est une vraie tête de con, butée et raciste. Seuls quelques sous-officiers tentent d'être plus humains, mais ils n'ont hélas aucun pouvoir. Le réalisateur établit le sens des nuances avec un peu de naïveté, ses intentions sont fort louables, et il sait organiser quelques bonnes scènes au détour d'un plan ou d'un paysage d'où surgit parfois une émotion qui même si elle est subjective, n'en est pas moins bien rendue.
Dans le rôle de Geronimo, Chuck Connors, bon acteur de second plan dans les westerns, trouve ici un rôle marquant, visage d'acier et regard impitoyable, on y trouve aussi un autre Blanc grimé en Apache en la personne de Ross Martin, le Artemus Gordon de la série les Mystères de l'Ouest, dans le rôle de Mangus, de même qu'on reconnait Adam West qui allait être Batman dans la série délirante de 1966, dans le rôle d'un lieutenant qui essaie de comprendre le sort des Apaches.
Il faudra bien des années encore pour que Washington comprenne enfin et pour que les politiques se décident à traiter les Indiens avec dignité, c'est ce qui est résumé à la fin de ce film, symbolisant la troisième reddition de Geronimo qui sera d'abord emmené dans une réserve humide et malsaine en Floride avant de revenir en Arizona pour finir sa vie en 1909 en pensant à ses années glorieuses. Sur le plan divertissant, ce western remplit donc sa mission tout en dressant un constat amer sur la condition indienne, c'est un western assez peu connu qui mérite d'être redécouvert.