Comme une ballade, une chanson douce, un poème... Lumineux, cristallin, désarmant de simplicité, Gerontophilia est l'un des plus beaux films d'amour vu ces dernières années. Partant d'un sujet sulfureux, Bruce LaBruce vrille nos perceptions du fétichisme dans un récit singulier, qui sonne selon ses propres termes comme "un Lolita inversé".

Car Lake aime les vieux messieurs, et c'est comme ça. En inversant les codes, en nous plaçant dans le regard de ce jeune homme de 18 ans qui est attiré par les hommes très âgés, le cinéaste change totalement notre vision. C'est Lake qui désire, qui convoite, qui tombe amoureux de Mr Peabody, c'est Lake qui est jaloux. Délicate et sensuelle, la caméra de Bruce LaBruce nous fait partager les sentiments troublants de Lake, troublant davantage nos sens puisqu'il est infiniment craquant, angélique, machiavélique, si désirable lui aussi.

Le film se vit comme un rêve éveillé. La mise en scène douce et musicale épouse l'évolution de Lake. On est au cœur d'un récit initiatique qui voit le jeune homme s'affirmer, accepter ses désirs et vivre un amour à la pureté presque enfantine, un amour qui va contre tout, qui bouscule tout, qui casse les codes. De sa petite amie féministe au vieil esthète en fin de vie, son parcours amoureux et sexuel est en lui-même une révolution. Le désir est alors instinct de vie, positif, essentiel.

On pense beaucoup à Gregg Araki. Y ajoutant un peu de Xavier Dolan, une pincée de Gus Van Sant, on mesure la maîtrise d'une mise en scène simple et moderne, élégante. Bruce LaBruce écarte toute affèterie, refuse pathos, racolage et niaiserie. Il nous raconte une histoire d'amour universelle, évidente. Il lui faut à peine 1h20 pour la relater, seulement quelques plans pour la conclure, et tout est dit.

Le film ne serait pas si beau sans Pier-Gabriel Lajoie. De presque tous les plans, le jeune comédien irradie. Diablement charismatique, christique et démoniaque, il porte le récit et l'enrichit de toutes les nuances de son jeu. Tour à tour drôle ou émouvant, toujours séduisant, profondément déterminé, c'est lui qui rend cet amour si palpable, si pur, si profond. À ses côtés, Walter Borden, Katie Boland et Marie-Hélène Thibault sont parfaits.

Presque minimaliste, si simple et si limpide, porté par une BO inspirée, Gerontophilia est un merveilleux film romantique, profond et bouleversant.

Comme un miracle.
pierreAfeu
8
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le 19 mars 2014

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pierreAfeu

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