Je suis embêté avec "Get on up" car c'est typiquement le film dont j'ai pas envie de dire du mal.
Pourtant je suis bien obligé car le biopic consacré à James Brown n'atteint pas le quart de mes espérances.
Un film sur un type pareil, ça nécessite de poser ses couilles sur la table et d'y aller à fond dans le trip radical. James Brown quoi! Le mec mystique qui s'est comporté n'importe comment sauf comme un saint, qui a flirté avec les mouvements radicaux noirs, qui battait sa femme, mettait ses musiciens à l'amende et se gavait d'un ego bigger than life. Accessoirement il a révolutionné la musique pop. Bien sur, tous ces éléments sont présents dans le film. Mais ils sont seulement éparpillés vite fait, comme pour respecter un cahier des charges tenu par le producteur que j'imagine être insupportable sur un plateau, Mick Jagger.
Allez, je commence quand même par les points positifs du film. L'univers visuel est réussi, grâce à de chouettes décors et de beaux costumes. On a même parfois des effets de lumière bien classieux. Le cast est convaincant, Chadewick Boseman se lâche grave dans son personnage, plus vrai et inhumain que nature.
Malheureusement, à côté de ça, on a une réal' de papy, une structure narrative de mauvaise série ricaine, et une mise en scène édulcorée qui s'attarde sur l'anecdote plus que sur le drame.
Les mecs ont tenu à faire un film grand public, pour les petiots et tout le tralala. Faute grave. James Brown quoi. Résultat, en cherchant bien on doit avoir une seule scène de cul (habillés et ça due une fraction de seconde), une scène de violence hors-champ (et de loin), un pétage de plomb mégalo... Où sont les prostituées que fréquente le jeune Brown réduit à rabattre le client dans un bordel? Ou sont tous les aspects trash de son existence? Bref, où est le funk?
Egrénés au fil d'un récit décousu, ces rares événements sont balancés comme ça, sans justification, sans que le scénario n'explique pourquoi Brown en arrive à telle ou telle extrémité.
Les personnages sont aussi clichés que dans l'esprit de JB, les blacks ont tous la niaque et le sourire aux lèvres alors que les blancs sont des coincés en pull à col roulé ou des rapaces en costard cravate. Un des rares personnages vraiment marquant est ce pasteur dératé qui semble inoculer le groove au jeune Brown lors d'une scène plutôt réussie.
On a parfois l'impression étrange de regarder une comédie. C'est d'ailleurs flagrant et gênant quand le cadrage rend quasi burlesque le moment où JB file une torgnole hors-champ à sa femme, ou celui où il menace une foule avec un fusil.
Les Black Panthers, Nation of Islam et Martin Luther King sont bien cités, mais aussitôt oubliés en l'espace de 30 secondes. Celui qui ne connaît pas ces noms n'en apprendra pas plus, c'est regrettable.
Pour le reste, ça aligne des dialogues longuets en plan américain tout naze, et des scènes de concerts toutes en plan large, qui finissent par se ressembler entre elles sans apporter quelque chose au récit ou à la progression personnelle de JB. Comme si sa musique était restée la même pendant toutes ces années -ce qui est loin d'être faux en fait, et pose la question de la pertinence d'un tel biopic chronologique. En fait, ces scènes servent soit de point de montage entre deux lieux ou dates différents, soit à faire vendre les rééditions de compils CD et bandes-son officielles du film.
Un dernier truc énervant, c'est l'utilisation régulière des regards caméras, où James Brown expose au spectateur ce qui se passe. Peut-être cohérent avec la mégalomanie du personnage, mais j'ai horreur qu'un film me prenne par la main.
Conclusion? Le fan n'apprendra rien. Le néophyte en gagnera une image édulcorée du personnage. J'aurais à la limite, préféré un délire blaxploitation à la Tarantino, qu'à ce récit bien sage. N'oublions pas que le mot "funk" peut désigner les fluides corporels, notamment ceux émis pendant la baise. Et là, ben que dalle.
Que dire d'autre sinon que j'enrage, à l'idée que c'est Spike Lee qui avait été annoncé en premier sur ce projet.