Véritable phénomène à sa sortie grâce à son succès aussi bien critique que commercial et ses thèmes abordés, Get Out fait officiellement partie du côté non obscur de Blumhouse Productions. Mais quand un film a autant de bons retours, on a de grandes chances d'aimer et d'être déçu à la fois. Que l'on apprécie ou que l'on accroche pas, Get Out est le genre de film très intéressant à analyser, cette critique risque donc de prendre des allures de réflexion.


Attention cette critique comporte de nombreux spoilers...


Je ne sais pas si ça méritait un Oscar mais il est vrai que le scénario de Get Out ne manque pas d'originalité. Il y a en effet une réelle inventivité : le thème de l'hypnose que l'on voit très peu au cinéma est abordé avec intelligence et le concept selon lequel il est possible de transférer la conscience d'une personne dans le cerveau d'un ôte par le biais d'une opération chirurgicale est quant à lui une idée de génie ! Aborder le racisme au milieu de tout ça -même si tout n'est pas forcément hyper bien ficelé à ce niveau- rend le film encore plus intriguant. Je pense qu'on peut effectivement féliciter Jordan Peele d'une part pour son ambition et d'autre de s'être creuser la tête pour nous proposer quelque chose qu'on ne voit pas tout les jours, à l'heure où le cinéma manque cruellement d'idées nouvelles. Concernant la réalisation, Peele semble s'être beaucoup investie dans l'ambiance qui est un curieux mélange de suspens et d'humour ainsi que dans une bien moindre mesure, de drame et d'épouvante. L'humour et le suspens coexistent souvent, ce qui a tendance à rendre l'atmosphère parfois complètent WFT puisqu'on a envie de sourire à certains moments mais d'un autre côté on est intrigué et inquiet par ce qui se trame, c'est une double sensation mais très efficace. Puisque le suspens est globalement bien mené, il n'est pas facile de deviner ce que les antagonistes ont prévu de faire subir aux personnages (il est néanmoins facile d'identifier ces antagonistes, notamment le twist sur la petite amie qui est plus ou moins prévisible). Personnellement, j’interprétais seulement le titre du film comme « dégage de mon pays », jamais je n'aurais pensé à « dégage de mon corps / sors de ma tête » (j'opte pour cette seconde interprétation maintenant). Il faut quand même préciser que dans les scènes où il y a de l'humour mais peu de suspens, cet humour est moins noire et parfois un peu lourd. La véritable scène dramatique du film permet quant à elle de vraiment s'attacher au protagoniste principal à travers son histoire difficile. D'ailleurs, la prestation de l'acteur incarnant ce personnage est très convaincante, Daniel Kaluuya fait en effet clairement partie des révélations de 2017 grâce à son interprétation dans ce film. D'ailleurs, le casting de Get Out est globalement bon, notamment grâce aux bonnes prestations de Catherine Keener et Allison Williams. Pour en revenir à l'ambiance, j'avoue que j'aurais préféré qu'il y ait un peu plus de violence et de frisson étant donné que Get Out nous a été vendu comme un thriller horrifique, voire un film d'horreur ; néanmoins on retrouve des scènes avec une tension beaucoup plus psychologique que dans la plupart des films d'épouvante actuels donc ça permet de compenser l'absence d'horreur. J'ajouterais que la photographie est également très bien maîtrisée.


Concernant le côté militant du film, Jordan Peele se prend à moitié les pieds dans le tapis. Faire un long-métrage qui a une certaine dimension politique et sociale peut être très intéressant, ça a bien fonctionné récemment avec Blackkklansman ; mais Get Out aborde le sujet du racisme en alternant inventivité et maladresses. Il y a des idées intelligentes comme la scène de la vente aux enchères où la personne de couleur est considérée comme une chose que l'on peut acquérir par l'achat et disposer librement (ici , les acheteurs disposent de leurs corps), ce qui fait clairement écho à l'esclavagisme. Le fait qu'une fois qu'un membre de la famille entre dans le corps d'une personne noire, se fait passer pour un domestique devant les étrangers pour « crédibiliser » la situation fait également réfléchir. Enfin, l'écriture du personnage principal qui nous le montre comme ayant une grande sensibilité casse certains clichés que l'on peut observer dans plein de films. Néanmoins, des clichés dans Get Out il y en a mais ils sont volontaires, cependant leur utilisation me laisse perplexe : à travers des situations et dialogues caricaturaux, on se rend compte que les personnages blancs ont beaucoup de clichés sur les personnes de couleurs. Par exemple le policier qui demande les papiers d'identité par suspicion, les facultés physiques sont abordées, tout comme l'anatomie, il y a aussi le fait que les personnages se sentent obligés d'inclure des personnes connues noires tel que Barack Obama ou Tiger Woods dans leurs discussions avec des personnes noires en pensant probablement que ses connaissances se limitent à la culture afro-américaine. J'ai trouvé ça efficace de mettre en évidence et de ridiculiser ce type de clichés dont certains ne sont pas négatifs mais restent des stéréotypes. Mais ce procédé militant est ici limité au sens où les personnages noirs du film ont également des idées préconçues voire négatives sur les personnes blanches ; par exemple le meilleur pote -qui est un personnage un peu lourd- qui les voit comme des pervers sexuels ou le personnage principal qui avoue ne pas se sentir à l'aise quand il y a trop de blancs. Par ailleurs, pour que le message passe mieux, le réalisateur aurait dû aller plus loin que des clichés : en effet, la famille choisit des ôtes noirs parce qu'ils sont fascinés par leurs prétendues capacités physiques, on retrouve donc bien l'idée de considérer le corps des blacks comme de simples produits ; mais il aurait été également intéressant d'insister sur le fait que la famille blanche choisit des victimes noires car elle accorde moins d'importance à la vie de ceux qui ne sont pas leurs semblables. En effet même si la famille et les invités pense que les noirs ont de meilleures facultés physiques, elle les considère comme des objets et donc se place au dessus d'eux, c'est quelque chose qui aurait pu être d'avantage exploité. En tout cas, ce n'est pas parce que la famille a des clichés positifs sur ces capacités physiques et que ça les fascine que ça éclipse le racisme : si une femme est vendue aux enchères, l'homme qui l’achètera serra probablement attiré par son corps et pourtant cette pratique reste sexiste, horrible, misogyne et esclavagiste ; c'est pareil ici, la pratique est raciste, cruelle et c'est une forme d'esclavage. La thématique du racisme est donc bien présente mais simplement sous une forme qu'on a pas l'habitude de voir et ça c'est plutôt positif.


Il y a donc du bien et du moins bien dans la gestion des clichés ; mais ce qui est véritablement gênant, c'est le côté manichéen de l'histoire puisque absolument aucun personnage blanc du film n'est bon, que se soit les flics, la famille ou les invités. Le racisme est un phénomène encore très présent dont on entend souvent parler mais j'ai trouvé ça c'est un peu démesuré car on l'impression que tout les blancs sont hostiles envers les noirs. Il y a néanmoins une scène du film où le côté manichéen aurait pu très bien fonctionné, c'est la fin qui si elle avait été moins happy end aurait pu mettre en scène les policiers tuer le personnage principal en pensant qu'il est responsable de la situation, ça aurait fait un certain lien avec l'actualité américaine et crée un véritable sentiment d'injustice (et donc le message du film passe mieux) mais Jordan Peele n'a pas saisi cette opportunité et c'est dommage car si c'était pour faire une histoire manichéenne, il aurait dû assumer jusqu'au bout.


Get Out est l'un des thrillers les plus original de ces dernières années grâce à son ambiance et au concept diabolique qu'il met en scène. Mais ce long-métrage reste au final un peu surestimé, notamment sur son côté militant qui comporte certes de bonnes idées mais également un gros manque de nuance, de recul et de subtilité. Par ailleurs, certaines directions auraient pu être prises ou plus exploitées afin de rendre le message encore plus fort. Une semi déception car c'est bon mais ça aurait pu être encore mieux ; en tout cas le film est suffisamment bien et intéressant pour attendre avec impatience Us, le prochain cauchemar de Jordan Peele.

MovieBuff
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le 12 janv. 2019

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