Avec Ghost in the shell, Oshii met en scène un film d’animation impressionnant d’introspection, un problème de conscience à conscience. Pendant plus d’une heure, Motoko Kusanagi divague afin de comprendre sa réelle identité, sa mémoire patibulaire, le sens de son existence. Les premières séquences sont saisissantes avec cette femme cyborg brune, au corps parfait, nue qui survole une ville les yeux dans le vide. Un désenchantement palpable dès les premiers coups d'oeil. Ghost in the shell est une œuvre complexe mais fascinante par sa profondeur de champ, son horizon sans fin vers l’humanité, et son questionnement perpétuel sur la condition de vie et sa finalité. Un film qui reste en tête pendant des heures et des heures, où l’on pense à cette désintégration onirique, cette scène de démembrement où la machine et l’humain touchent alors à leurs propres limites dans un chaos inimitable.
Derrière un scénario de hacker cybernétique où se mêle terrorisme informatique et guerre policière dans un monde futuriste rappelant l’univers iconique de Blade Runner, Ghost in the shell est un émerveillement de tous les instants avec son visuel sombre teinté de bleu, dans cette ville futuriste sans nom, cette ambiance glauque et glaçante faisant rejaillir une déshumanisation insoutenable qui se cache dans le regard d’un major de police cyborg, Motoko Kusanagi. Personnage terrassant de charisme, entre érotisation esthétique et froideur psychologique, elle se pose de plus en plus de question sur sa place dans un monde de plus en plus robotisé où la technologie remplace l’humain. Qu’est-ce qui différencie l’homme de la machine ? La frontière est infime, même inexistante. Face des entités technologiques qui créent leur propre âme, leur propre souvenir et personnalité, à quoi cela servirait-il d’être un être humain. Ghost in the shell n’est pas un film d’action bourrin qui va à toute berzingue. Il est court mais ça ne l’empêche pas de ne pas aller à toute vitesse, laissant place au silence, de moments de questionnements baigné par une musique électro mélancolique.
Oshii met en image avec Ghost in the shell une œuvre à la beauté plastique incroyable, avec un sens innée de l’hypnotisation, une animation d’une grande fluidité. Ghost in the shell dégage un sentiment particulier, une douleur qui gangrène autant le métal que la chair, autant les fichiers informatiques que les synapses humaines. Une hypnotisation qui s’accommode d’une certaine torpeur face à ce décorum SF adulte alambiqué à l’image de ce somptueux générique qui voit la construction d’un cyborg. Ghost in the shell avec son ahurissante maitrise et sa poésie flottante, est une œuvre totalement dépressive qui nous immerge dans un récit philosophique qui propage son spleen entre violence destructrice et solitude contemplative pénétrante.