Ghost in the Shell Arise : Border 3 - Ghost Tears par 0eil
Comme tous le savent, Ghost in the Shell (GitS pour les intimes), c'est bien. C'est même plutôt terrible. C'est un manga à la base, dont fut tiré un film particulièrement réussi, de Cyberpunk, avec tous les éléments dedans qui font le sel de ce sous-genre de la science-fiction. Au menu, organisations gouvernementales opaques, conspirations, piratages et faux-semblants, avec en prime une petite ambiance étrange et décalée, dont l'épicentre est le questionnement sur l'humanité. Parce que le "Ghost" du titre, c'est cette âme-plus-ou-moins, que l'on peut même hacker pour en manipuler le propriétaire. Argl. GitS réussissait aussi le pari de produire une série animée particulièrement bonne, respectant la densité et la cohérence de l'univers tout en exploitant le support imposé des vingt minutes. Malgré l'énorme qualité de l'oeuvre, incroyablement vive et intelligente, il n'y eut pas de troisième saison, si ce n'est un long épisode de presque 2h pour combler l'appétit des fans. Jusqu'à Arise.
Le souci d'Arise, c'est certainement d'avoir sur ses épaules une parenté très puissante, dont l'évocation fait souvent briller les yeux des amateurs de cyberpunk. Normalement, ça ne devrait pas être le cas, mais il faut avouer qu'Arise s'impose des contraintes qui rendent le challenge plutôt relevé : c'est un reboot de l'histoire et en prime, ses épisodes sont, en réalité, des "chapitres" d'une heure. Alors, déjà, le principe du reboot, je pense qu'il a suffisamment fait grincer de dents tant l'on sait que la plupart du temps, la réécriture des "origines" fictionnelles d'une oeuvre a tendance à galvauder un peu ce que l'on attend de la saga et franchement, Arise a mis les pieds dans le plat de belles manières. Les deux premiers films disposaient de scénarios au mieux moyen au pire médiocre, qui ne rendait ni justice aux personnages originaux, ni à cet univers dont, on le répète, le charme tient de sa haute complexité. Et de ses intrigues toujours très politisées. Les deux premiers volets m'avaient bien déçu sur ce point et ce présent chapitre tente de rattraper un peu le coup en offrant une espèce de double thématique : d'un côté, l'amélioration cybernétique et son impact social sur le mode de vie - jusqu'à la représentation de soi - et de l'autre côté, une enquête un peu plus politique, impliquant de la contrebande d'armes, du terrorisme et de l'ingérence dans les affaires d'état. Le raccord entre les deux facettes étant évidemment Motoko, dont on verra ici un visage délaissé jusqu'à présent dans la série animée : la femme en couple.
Parce que le tout premier film avait lissé jusqu'à faire disparaître la vie sexuelle du Major - et la série s'était contentée de laisser entendre une possible idylle entre Batou et Motoko (ok, je pousse un peu, mais je trouve tellement touchant l'amour que lui voue Batou !). Au point que Kusanagi paraissait très asexuée, ce qui était plutôt en adéquation avec son caractère très froid et professionnel. Ici, Arise tente de concilier les deux, et pourquoi pas ? Seulement, j'ai eu du mal. Pour deux raisons, très simples : premièrement, le design de Motoko lui donne toujours l'apparence d'une gamine de seize ans et du coup, c'est un peu étrange comme situation, de la voir sortir tranquillou avec un trentenaire. Deuxièmement, ça aurait été cool que ce ne soit qu'un sub-plot dans l'évolution de l'enquête, mais nan, forcément, l'amant a une place à jouer dans le complot en devenir et franchement, ça n'a guère d'intérêt. On le sent assez facilement venir et j'ai eu l'impression qu'Arise essayait de faire coexister plusieurs éléments, piochés dans la série animée comme dans le manga : le papillonnage de Motoko, avec le fait qu'elle se soit sentie trahie émotionnellement et se soit fermée aux autres. Pourquoi pas, mais n'aurait-on pas pu être un peu plus original dans l'approche ?
Car de l'originalité, Arise n'en déborde pas beaucoup. Tous les personnages sont connus et pire, les éléments liés à 'enquête semblent pillés de l'arc "11 Individuels" de 2nd GIG, la deuxième saison de l'animé. Mais en un poil moins bien, puisqu'assez vite, on se focalise sur les malversations d'une gradée de l'Armée et du PDG d'une compagnie d'eau, dont l'importance dans le récit est inversement proportionnel à l'intérêt du personnage. Même Togusa semble franchement intégré au forceps dans ce récit. Au final, je ne suis même plus sûr de me souvenir de ce qu'il faisait sur place, c'est quand même fou ! C'est sympa de vouloir faire un reboot sans trop froissé les fans, mais là, ça commence franchement à ressembler à un remontage de la série d'origine, avec des situations à peine différentes. Les rares personnages ajoutés à l'histoire, à l'image de l'ancienne supérieure de Motoko, sont quand même méchamment inutiles. Par ailleurs, le graphisme est régulièrement en dents de scie : on se retrouve parfois avec des personnages assez laids - même l'héroïne, c'est dire ! Ce n'est pas vraiment là qu'Arise brille le plus, ni même dans son découpage un peu anarchique de son récit, multipliant volontairement les coupures dans sa progression et les ramifications, sans pour autant conclure par une intrigue vraiment dense.
Le six paraît cher payé, mais récompense quand même la volonté d'initier une réflexion sur le rapport au corps et à la société. Mais bon, cela reste quand même très insuffisant pour exploiter convenablement un univers qui nous a habitué à une certaine maturité dans le propos SF et une grande densité dans son intrigue. Il va quand même falloir qu'à un moment, Arise parvienne à se trouver son propre souffle, sans quoi, on va vraiment droit sur un naufrage.