The Return of Dario

Comme l'indique judicieusement le titre, ce film est un giallo, americano-italien. Véritable retour aux sources pour Dario Argento qui retrouve ainsi le genre qui l'a fait connaitre à ses débuts. Si il a tenté plusieurs fois de faire renaitre le genre sous un jour nouveau, notamment avec Opera en 1987 et Le Syndrome de Stendhal en 1996, il n'a jamais vraiment réussi son pari, le public et/ou la critique n'y voyant là qu'un simple hommage ou quelques réminiscences. Ici, il tente à nouveau l'impossible, renouveler un genre qu'il a lui même contribué à créer, faire un nouveau genre de giallo moderne.

Le film s'éloigne donc de la recette des gialli de l'age d'or, même si, le temps d'un clin d'œil, on y retrouvera bon nombre de références a d'autres de ses gialli (les plus facilement repérables étant Opera et Tenebres) et à certains réalisateurs, dont par exemple Mario Bava et Lucio Fulci bien entendu, ou encore Aldo Lado. On trouve aussi quelques clins d'œil amusant, comme le fait que le flic et le tueur soient deux personnages différents joués par le même acteur, rappel à ces gialli où on decouvrait à la fin que le personnage principal et le tueur mysterieux étaient la même personne... Le film cependant se heurte a plusieurs 'problemes' pas toujours evidents et qui ne collent pas specialement avec un giallo 'à l'ancienne'. Tout d'abord, le probleme de la modernité, car en effet il est impossible de passer outre, surtout si on veut realiser un film contemporain, que ce soit dans les accessoires ou dans l'intrigue en soi...

A cela, Argento a trouvé plusieurs parades, comme tout betement la photographie, splendide, avec des couleurs un peu ternes rappellant sans mal les films d'exploitation italiens des 70's (un des meilleurs rendu 'vieux film' que j'aie vu), des personnages avec un caractere 'démodé', par exemple on ne trouve dans le bureau du flic qu'un simple ordinateur portable, le reste n'etant que papier, diapositives et photos, pas de gadgets hi-tech ou autres (il à même du mal à se servir d'un dictaphone numerique)... Judicieuse parade agrémentée de mouvements de camera intelligents et tres old school, bien evidemment déja utilisés dans les gialli d'autrefois, sans pour autant oublier quelques passage plus modernes, encrant ainsi bien le film dans un contexte tres récent.

Autre probleme avec le scenario et le tueur; face a la modernité actuelle, difficile d'utiliser les meme ficelles sans que cela paraisse improbable et trop enorme pour etre credible. Rien de plus simple pour notre realisateur qui avait décidemment reponse a tout, nous livrant alors un tueur au modus operandi assez atypique sans pour autant trop s'eloigner des origines du genre, et un flic donc tres vieille ecole qui prefere débusquer notre tueur avec son instinct et ses dons d'enqueteur plutot qu'en courant apres des micro-indices façon Les Experts (indices qui sont d'ailleurs extremement rares et n'apportent pas grand choses a l'enquete au premier abord). En résumé, Argento s'attache avec soin a faire du vieux paraissant neuf avec du vieux, et ça fonctionne... Enfin, d'un certain point de vue...

Le problème majeur actuellement, c'est qu'il existe tellement de variantes du 'thriller sauce serial killer', que lorsqu'on s'écarte à peine d'un genre, on bascule très vite dans un autre qui lui ressemble beaucoup... Avec ce film, on sent qu'Argento essaye en quelque sorte de rendre la politesse aux USA, en invitant les codes de leurs thriller dans son pays et dans l'univers du giallo.
Exit les mains gantées, les morts violentes avec des lames aiguisées, les scènes à l'érotisme marqué, l'identité du tueur cachée, la bande originale typique... Il tente réellement de faire un giallo avec les codes du thriller americain.
Hélas pour les aficionados, si ça à l'air d'un giallo sur nombre de points, difficile de ne pas y voir un simple thriller avec un peu plus de sang que d'habitude... Cela étant, si on a compris sa démarche, on lui pardonnera plus facilement, au moins il aura essayé...
On pourra aussi voir ce film comme une sorte de reniement du giallo, un renoncement, une façon de nous dire justement que même avec toute la volonté du monde ce genre ne peut être renouvelé, qu'il ne peut exister qu'avec les codes du passé et qu'à moins d'en faire un qui soit vraiment codifié, il ne sera qu'un simple thriller parmi tant d'autres...
Et quand on voit, dans ce film, le rapport entre le titre et le tueur, on peut franchement se demander si ce n'est pas véritablement un pied de nez...

Des cadres aux acteurs, du montage a la photo, de la realisation au scenario, tout ou presque n'est que pur rétro, et ce pour le plus grand plaisir des amateurs, mais depuis l'avènement du thriller a l'americaine et son renouveau avec le Se7en-like, difficile de se dissocier et de faire dans l'original, et encore plus lorsqu'on veut renouveler un genre en laissant de coté certains 'codes' qui font pourtant, aujourd'hui, partie de l'identité même de ce genre... A coté de ça, pour le simple quidam, on se retrouve face a un bon thriller avec un scenario simple à défaut d'être vraiment efficace, des acteurs plutot bons dans leurs roles, une realisation assez inspirée, une photographie exemplaire et meme quelques petits rebondissements plutot surprenant, mais pas toujours dans le bon sens.
Sans être une franche réussite, particulièrement pour ce qui est du coté giallo, ce film à au moins le mérite de faire souffler un petit vent de nostalgie, qui se propage dans l'air et nous pousse à revoir quelques vrais, bons, classiques du genre, et ça, ça fait vraiment du bien...