GIMMER DANGER (14,3) (Jim Jarmusch, USA, 2017, 108min) :
Ce documentaire foutraque à l’esprit rock and roll retrace l’épopée très bordeline du fameux groupe « The Stooges » au style agressif débarqué comme une bombe dans le paysage musical à la fin des années 60 aux USA, devenant un symbole culte de la révolution contre-culturelle. Ce n’est point une surprise de voir le réalisateur Jim Jarmusch véritable enfant du rock, et mélomane averti, comme le démontre la plupart de ses films structurés à partir d’une colonne vertébrale musicale de s’attaquer à un hommage documentaire de ce genre. Ami personnel James Newel Osterberg Jr. (alias Iggy Pop leader du groupe), l’ayant même fait tourner avec bonheur dans « Dead man » (1995) et « Coffee and cigarettes » (2003), il nous offre pour son deuxième documentaire, après « Year of the Horse » (1997) accompagnant une tournée du chanteur Neil Young, une véritable déclaration d’amour cinématographique à ce groupe précurseur d’un mouvement qui allait révolutionné le rock. Après une présentation joyeusement rebelle et festive en séance de minuit au Festival de Cannes 2016, voilà ce long métrage descendu des marches pour emplir de sons nos salles obscures prêtes à vibrer. Le film une fois n’est pas coutume de façon atypique entame cette histoire par le déclin du groupe. On découvre certaines archives filmées inédites, témoignages d’Iggy, des membres et de la famille soulagé par la séparation inévitable en février 1974, après un dernier concert désastreux au Michigan palace de Détroit où Iggy Pop complètement shooté ne peut assurer un minimum la prestation scénique. A bout de forces et dépendants à la drogue les membres du groupe peu encouragé à continuer par leur maison de disque eu égard au faible vente d’album, l’histoire se termine et le titre du film en lettres blanches à la police de caractère dégoulinante et trash apparaît sur l’écran : GIMME DANGER (célèbre titre du groupe). A partir de là dans une construction chronologique et avec comme fil rouge une interview passionnante d’Iggy Pop installé dans sa grande caravane, dévoilant absolument tous les travers avec ironie, auto dérision, sans cynisme et son intelligence habituelle le long métrage un peu hagiographique va remonter jusqu’à l’adolescence de l’Iguane (surnom très usité pour Iggy Pop) à Ann Arbor dans le Michigan et ses débuts en tant que batteur dans le set « Iguanas » d’où lui viendra son surnom d’iguane. La mise en scène s’avère très illustrative de la naissance du groupe et ces années flamboyantes et bruyantes de 1967 à 1974 par le biais d’archives très rares, d’extraits de concerts, d’animations ludiques et souvenirs donnés en témoignages avec un montage très découpé et âpre mais assez impersonnel. Jim Jarmusch prend le parti de rester très en retrait pour remettre à leur juste place dans l’histoire du rock contemporain l’aventure des « Stooges » précurseur de l’émancipation socio-culturelle et ses contradictions. Un documentaire foisonnant empli de collages artisanaux, de photos très rares effectue une véritable plongée pédagogique dans l’univers du rock de cette époque où la provocation, les danses sauvages endiablées, les sauts dans la foule et multiples excès d’Iggy Pop accompagnent animalement les riffs primitifs et secs du groupe apportaient une impertinence bienvenue. A l’heure où les libertés de tons rétrogradent et le bien-pensant prend les commandes, ces coups de griffes vintage qui nous font croiser David Bowie, Le Velvet Underground, MC5 et les Sex Pistols donne une sacré dose électrique de survie avec « The Stooges » en étendard ! La force du documentaire est de démontrer à quel point ce groupe est précurseur et toute l’étendue de son influence absolument majeure dans la musique notamment à travers les groupes : Ramones, Sex Pistols, Sonic Youth, The White Stripes, Rage Against the Machine et The Strokes entre autres. On notera aussi son influence principale pour le film de Todd Haynes The Velvet Golmine (1998) librement inspiré par David Bowie et Iggy Pop. Cette œuvre filmé comme le décor culturel de toute une génération manque peut-être d’ambition artistique mais se révèle sacrément efficace et tout en restituant bien le contexte de l’époque replace ce groupe tout en haut du panthéon du rock. Cet hommage agrémenté bien entendu d’une kyrielle de morceaux mythiques : Gimme danger, No fun , 1969 , Down on the street, Little Doll se termine par la reformation du groupe en avril 2003 lors du festival de Coachella en Californie et un final en apothéose avec un montage composé de multiples des prestations scéniques du groupe sur le primaire et intemporel I Wanna Be your Dog, véritable hymne provocateur de soumission où la distorsion du corps du chanteur se joint aux riffs de trois notes donnant un côté viscéral inimitable à ce titre féroce. Venez plonger dans ce bain délicieux d’impertinence avec Gimme Danger. Modeste, assez passionnant et furieux.