Nous voici devant des témoignages face caméra et des images d’archives. Jim Jarmusch n’entendait manifestement pas bouleverser l’histoire du documentaire avec Gimme Danger, sa lettre d’amour aux Stooges. Le sous-titrage en français est médiocre, et c'est bien dommage, ce qui est loin d'être la faute du réalisateur. Bien que la forme du documentaire ne soit pas incroyable ou détonante (comme nous aurions pu l'espérer), cela n'en reste pas moins un film maîtrisé, bordé d'anecdotes croustillantes. Le gang d’Iggy Pop se charge de mettre l’ambiance… Car on parle bien ici du groupe le plus sauvage de tous les temps. Des "branleurs scandaleux", responsables d’une déflagration sonique lourde de conséquences, car pour le dire vite : ils ont inventé le punk. Les Stooges, auteurs de trois albums parfaits entre 1969 et 1973, ont passé leur courte existence à slalomer entre la gloire, la dope et l’infamie. James Osterberg, alias Iggy l’Iguane, s’est donc assis devant la caméra de son ami Jarmusch, dont il avait déjà été l’acteur à l’époque pour Dead Man, dans une scène par ailleurs fameuse, que je recommande à tous.
Look in the eyes of a savage girl
Fall deep in love in the underworld
Raw power is sure to come a runnin to you
If you're alone and you got the shakes
So am I baby and I got what it takes
Raw power is sure to come a runnin to you
Raw power got a healin hand
Raw power can destroy a man
Raw power it's a more than soul
Got a son called rock and roll
Raw power honey just won't quit
Raw power I can feel it
Cool, bronzé, hilarant (et pieds nus), Iggy revient sur sa formation blues à Chicago, la rencontre avec les frères Asheton, sa passion pour les pharaons, qui lui donnèrent l’envie de parader torse nu, son slogan d’alors « J’ai liquidé les sixties », livrant au passage un témoignage précieux et lapidaire (snif) sur les paroles de Bob Dylan : « Bla bla bla ». Les archives, brutes et fulgurantes, ainsi que la musique, géniale, se chargent de joindre les anecdotes et les punchlines. Petit à petit, les morceaux collectés forment une histoire. Jarmusch prend soin de donner au montage des coups d’accélérateur, façon cartoon speedé et zinzin, un peu comme Julian Temple dans son documentaire sur les Sex Pistols, The Filth and the Fury. Belle offrande aux fans du groupe d’Ann Arbor, Michigan, Gimme Danger réconciliera également les jarmuschiens de toutes obédiences. Cette ode à la contre-culture et à la poésie minimaliste donne des coups de No Fun, I Wanna be your Dog et Raw Power. On a rarement vu plus concis dans l’histoire du rock, ce qui fonctionne en effet aussi bien comme un complément de programme au récent Paterson, que comme son antidote, sa face B électrique et érectile. On en sort avec des yeux maquillés de transgression, de révolution ; sans que plus rien ne nous effraie.