Dans son exploitation outrancière et son fétichisme exacerbé pour les poupées, Charles Band a offert une très grandes diversités de jouets et pantins démoniaques dans des déclinaisons plus farfelues les unes que les autres mêlant sorcellerie et magie noire (Demonic Toys, Blood Dolls, Doll Graveyard, Ragdoll, etc…). Mais la disparition de David Allen et l’inflation lié aux coûts de production ont eu finalement raison de ses rêves de série B. L’avenir de la firme se fera désormais dans le nanar parodique avant de revenir par la suite à des oeuvres plus sérieuses et ambitieuses notamment sous la bannière de la franchise Puppet Master. Autrement plus regardable que son soporifique Evil Bong, Gingerdead man fait donc partie des nouvelles mascottes du studio avec son scénario qui tient sur une page de marmiton. Offrez-vous d’abord une ex star revenu de tout : Gary Busey. Faites le cabotiner avec une arme à feu jusqu’à ce que mort s’en suive, puis dispersez ses cendres maudites dans une pâte à cuire agrémenté de quelques blagues carambar et vous obtiendrez un gâteau d’un genre nouveau.
L’intrigue reprend fidèlement le speech de Child's Play, excepté que la poupée est ici un simple biscuit filmé dans une succession de gros plan, qui cherche à se venger de la boulangère qui l'a envoyé griller sur la chaise électrique. Avec un tel concept, Charles Band s’est certainement convaincu qu'il tenait là un futur classique et que ce postulat décalé suffirait surement à rameuter du monde derrière le studio. Qu'à cela ne tienne, c'est justement grâce à sa bande annonce tonitruante que l'auteur de ces lignes a pu découvrir l'univers débordant de la Full Moon à l'époque. Pourtant on ne peut pas vraiment dire que le producteur est mis beaucoup de coeur dans la recette, bien plus motivé par sa communication tirant sur la provocation et la même irrévérence qu’un certain Lloyd Kaufman sans en avoir la même virulence. En résulte un divertissement trop gentillet, qui comme les Killjoy ne suscitent qu’une vague indifférence, ou au mieux l’indignation de quelques jeunes vierges effarouchés.
Le fait est que Gingerdead man a un goût un peu rance et affiche beaucoup trop de carences et de retenue dans sa mécanique de prédation qui manque cruellement d’audace et de scènes gore à l’arrivée. Et ce n’est pas les quelques insanités proféré par son pain d’épice carnassier qui relèveront globalement le niveau de la tambouille surtout quand le décor se limite à l’arrière-boutique d’une échoppe. Tout le film est fait dans le même moule et souffre d’une mise en scène fainéante au cachet télévisuel, ce qui n’a dû ruiner les caisses du studio. Les mises à morts vont donc se succéder sans grande originalité où on verra le Gingerdead man jouer du couteau, tirer au pistolet, ou écraser quelqu’un avec une voiture, avant de prendre possession d'un corps après avoir été ingurgité par un crétin qui penserai que ce serai certainement une bonne idée pour s'en débarrasser.
Heureusement le réalisateur peut compter sur le design absurde et grotesque de sa créature confectionné par John Carl Buechler, et le charisme de son doubleur (Gary Busey) dont les punchlines auront quand même le mérite de vous arracher un sourire en coin surtout avec ses petits soubresauts et ricanements pervers. Le casting destiné en chair à pétrir est à l’avenant, y compris Robin Sydney introduit par son producteur et futur mari comme une future égérie. Ce n'est pas comme-ci, nous ne l’avions pas vu venir, à force d’en vanter les qualités d’interprète dans ses interviews, lors du Full Moon Horror Road Show, livrant un bien faible argumentaire pour lui attribuer un futur parcours de star de la série B. Son talent ne saute pourtant pas aux yeux à première vue, surtout comparé aux légendes que furent Barbara Crampton, Linnea Quigley ou la non moins séduisante Jacqueline Lovell. Mais l’amour rend aveugle, il paraît.
Le making of du film nous dévoile également un aspect de la personnalité de Charles Band que nous ne connaissions pas, celui d’un réalisateur certes roublard mais également intentionné et toujours au petit soin de ses actrices qui après leur avoir demandé de mourir de froid dans une chambre froide recouverte nue de chantilly sans couverture leur propose un petit chocolat chaud en compensation à la fin pour se réchauffer. Quel homme, quel producteur, quel cinématographe de génie ! Gloire à Charles Band ce Walt Disney de la série bis ! On repassera sur la pommade qui lui est passé dans les témoignages de ses collaborateurs et acteurs faux jetons sûrement plus motivé par une gratification salariale que par la fabuleuse expérience de cette incroyable slasher à posteriori. Vous ne devriez donc pas avoir à demander du rab de dessert, et on lui préférera de loin sa délirante séquelle réalisé par William Butler sous le pseudonyme de Silvia St Croix.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !