Caméra d'Or du Festival de Cannes 2018, Girl est le premier long-métrage du réalisateur belge Lukas Dhont. Ce film expose les difficultés d'une jeune fille, Lara, à se construire malgré son corps de garçon. La réussite du film repose principalement sur deux personnes.
D'abord, l'acteur Victor Polster, prix d'interprétation de la sélection Un certain regard pour le rôle de Lara, exceptionnel tout le long du film. La caméra ne le quitte jamais, et pour cause, son naturel et son authenticité en font l'atout majeur de Girl. Il est attachant, expressif même (et surtout) dans le silence, et toujours juste. C'est inespéré pour le réalisateur d'avoir trouvé un acteur si particulier et si talentueux.
Venons-en au réalisateur, Lukas Dhont. Ses choix tranchants permettent au film de se focaliser sur l'essentiel. Les situations sont épurées, et il en ressort une vraie profondeur. Deux choix sur lesquels j'aimerais m'attarder :
D'abord, la situation de Lara est posée telle quelle. Il n'est pas question de se demander pourquoi, comment, ou de remettre en question le choix de la jeune fille. On est forcé d'admettre la situation, sans possibilité de jugement. D'ailleurs, Lara n'est jamais présentée autrement que comme une jeune fille. On l'identifie ainsi dès le début du film, et les premières situations où cela est partiellement remis en question (le professeur qui fait voter les filles de la classe pour savoir si elles veulent bien l'intégrer dans le vestiaire, sa chambre séparée du dortoir des filles par exemple) peuvent nous indigner. Ce parti pris permet au spectateur de se concentrer sur la transition de Lara, sans jamais juger son choix ou mettre en doute sa nécessité.
Aussi, l’absence de la figure maternelle dans la famille me semble être un choix très important du réalisateur. Il permet à Lara de prendre la place de la mère dans la famille, et de s'affirmer en tant que femme. Face à un père parfois encore enfantin, c'est bien Lara qui semble le plus s'occuper de son petit frère, et c'est encore elle qui organise le nouveau foyer.
La réalisation est parfois redondante, mais toujours réfléchie. Les plans serrés sont une vraie merveille, car tout l'enjeu du film réside bien dans le corps de Lara : on en attend beaucoup, on le travaille jusqu'au sang, on le torture même parfois.
Enfin, la musique est belle et appropriée. Il y a un petit côté Whiplash dans ce film (ce n'est toutefois pas le plus réussi) dans cet effort illimité pour atteindre la perfection.
On pourra reprocher à Girl le manque de renouvellement de ses situations. On est parfois un peu lassé, mais le rythme est tenu, et le film s'arrête au moment juste.
Finalement, Lukas Dhont livre un film fort et puissant. Si tout n'est pas parfait, les émotions sont franches et sincères, et j'ai personnellement passé un excellent moment devant ce film. C'est un vrai coup de cœur.