Cave ne cadas
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le 14 août 2015
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À la fin des années 90, le péplum est un genre cinématographique en perte de vitesse, victime de l’essoufflement de ses récits antiques et des goûts changeants du public, davantage tourné vers les films d’action modernes et la science-fiction. Les studios hésitent à investir dans ces productions coûteuses après les échecs commerciaux de certains films historiques des décennies précédentes.
À la même époque, Ridley Scott traverse lui aussi une période difficile, ses trois derniers films ayant été des échecs au box-office. 1492 : Conquest of Paradise, White Squall et GI Jane n’ont pas rencontré le succès escompté, laissant le réalisateur en quête d’un renouveau créatif et de reconnaissance commerciale. Cette période de doute pour Ridley Scott correspond au déclin du genre péplum, alors perçu comme désuet.
C’est alors que DreamWorks décide de miser sur ces deux éléments en perte de vitesse : Ridley Scott et le péplum. Le studio approche Scott pour réaliser un script de David Franzoni, inspiré de la nouvelle Those About to Die de Daniel P. Mannix et de Historia Augusta, un texte du IVème siècle relatant la vie des empereurs romains. Ridley Scott, bien que peu captivé par le scénario lui-même, est fasciné par l’idée de transposer à l’écran l’atmosphère du tableau Pollice Verso (littéralement Pouce vers le bas) de Jean-Léon Gérôme, une peinture académique qui le frappe par son réalisme et sa puissance visuelle.
Le scénario subit plusieurs réécritures, Ridley Scott estimant que la version de David Franzoni manque de profondeur. Il fait alors appel à John Logan, qui revoit une grande partie du début et choisit de faire mourir la famille du personnage principal pour lui donner une motivation puissante. Toutefois, à deux semaines du tournage, les acteurs expriment des réserves sur le script, ce qui conduit à l’embauche de William Nicholson pour rendre le héros plus sensible, notamment en développant la dimension spirituelle liée à l’au-delà. Bien que remplacé, David Franzoni continue de superviser les modifications et obtient un crédit de producteur.
Gladiator sort en juin 2000 après un tournage marqué par ces réécritures incessantes.
Russell Crowe, dans son interprétation de Maximus, le général devenu esclave puis gladiateur, ne se contente pas de jouer le rôle mais s’implique profondément dans l’écriture de son personnage, exigeant lui aussi plusieurs révisions pendant le tournage. À chaque scène, il cherche à enrichir la profondeur de Maximus, insufflant dans le personnage un mélange d’honneur romain, de loyauté et de tourments personnels. Cette approche confère à Maximus la stature d’un véritable héros antique, dont le courage et la résilience résonnent avec le public. Par cette implication, Russel Crowe façonne un Maximus inoubliable, l’homme loyal devenu symbole de révolte, jusqu’à sa confrontation finale dans l’arène.
L’interprétation de Russel Crowe est si magistrale qu’elle lui vaut l’Oscar du meilleur acteur, faisant de lui le véritable champion du Colisée cinématographique. Il incarne avec une intensité inégalée ce héros tragique, à la fois guerrier et père en deuil, qui conquiert l’arène du public par sa présence imposante et son regard chargé de douleur et de détermination. Russel Crowe capte parfaitement l’esprit du gladiateur romain qui, même enchaîné, conserve une dignité impériale et une soif de justice, gravant Maximus dans la mémoire collective.
Face à Maximus se dresse Commode, incarné par Joaquin Phoenix, dont le jeu subtil et troublant donne vie à un antagoniste aussi captivant que dérangeant. Phoenix insuffle à Commode une intensité malsaine, rendant ses motivations (le besoin d'amour et de reconnaissance) presque compréhensibles, bien que ses actions impitoyables et ses complots révèlent une noirceur insupportable. Ses manipulations et ses actes de cruauté font de lui un véritable empereur tyrannique, un ennemi redoutable pour Maximus et pour Rome elle-même.
Le film s’appuie aussi sur une troupe de seconds rôles remarquables, comme Connie Nielsen dans le rôle de Lucilla, la sœur de Commode, partagée entre amour familial et loyauté envers la République. Djimon Hounsou, en gladiateur stoïque et fidèle compagnon de Maximus, et Ralf Moeller, en gladiateur imposant, renforcent l’ambiance martiale et la camaraderie des arènes, chaque acteur apportant une part d’authenticité et de force à cette reconstitution de la Rome antique.
Le tournage connaît un moment tragique avec la mort de l’acteur Oliver Reed avant la fin des prises, le vétéran incarnant Proximo, le maître des gladiateurs, qui joue ici l’un de ses derniers rôles. Par respect pour ce grand acteur, une copie numérique est utilisée pour les scènes finales, permettant ainsi à Oliver Reed de rester présent dans cette œuvre magistrale. Sa prestation, puissante et nuancée, résonne comme un hommage à sa carrière, lui offrant un dernier triomphe posthume.
La musique de Hans Zimmer et Lisa Gerrard est devenue aussi légendaire que le film lui-même. Chaque thème évoque l’atmosphère antique des arènes et l’émotion brute de Maximus, guidant le spectateur au cœur des combats et des drames. Malgré sa puissance et son rôle essentiel dans l’immersion du film, la bande-son repart sans Oscar, laissant une sensation d’injustice face à une composition qui a marqué l’histoire du cinéma.
Outre la récompense de Russel Crowe pour son interprétation, Gladiator remporte quatre autres Oscars, notamment pour le meilleur film, les meilleurs effets visuels, le meilleur son et les meilleurs costumes. Ces distinctions consacrent le film comme une œuvre monumentale, célébrée pour sa réalisation ambitieuse et sa capacité à transporter le public dans une Rome à la fois cruelle et grandiose, à l’image des grandes épopées du cinéma classique.
Le film est une plongée dans une Rome antique reconstituée avec un souci du détail impressionnant : des décors monumentaux aux costumes qui rappellent les fresques antiques, chaque élément visuel contribue à une immersion totale. Pour le spectateur non expert en Rome Antique, que je suis, le film devient une expérience réaliste et authentique, offrant une vision de l’Empire romain à la fois grandiose et impitoyable, qui laisse une empreinte durable.
L’histoire de Maximus dans cette Rome est une montée implacable vers la vengeance, un combat qui s’intensifie dans chaque arène, chaque victoire lui offrant un pas de plus vers son but. Des sables de Zucchabar au cœur du Colisée, sa quête prend des airs de rédemption épique, culminant dans le duel final contre Commode, où la justice s’accomplit sous les acclamations du peuple romain. La vengeance de Maximus devenant ainsi la libération de Rome.
Gladiator est une œuvre monumentale qui transcende le simple divertissement pour devenir une fresque épique et poignante, ancrée dans la lutte pour la justice et la liberté. Par son réalisme immersif, ses performances mémorables, notamment celles de Russell Crowe et Joaquin Phoenix, et la musique envoûtante de Hans Zimmer et Lisa Gerrard, le film de Ridley Scott fait revivre la grandeur et la cruauté de la Rome antique. En réinventant le péplum avec modernité et intensité, Gladiator a redéfini les codes du genre et laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du cinéma, demeurant à ce jour une référence incontournable pour ses thèmes universels de courage, de vengeance et d’honneur.
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Créée
le 20 janv. 2023
Modifiée
le 4 nov. 2024
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